« “Mes archives sont-elles queer ?” Des demandes d’archivage et de communication spécifiques aux militantes et militants féministes et queer »
Résumé
There are many misunderstandings between feminist and queer activists and professional archivists, starting with differing definitions of the perimeter of archives - for the former, documentary holdings, archive holdings and museum collections all rolled into one, while for the latter a resolutely organic conception prevails - , a contrasting apprehension of the archival function - for the former, an instrument of power and visibilization, leading to the observation, in line with Derrida, of the existence of an institutional violence exerted on traces that the latter do not perceive in the implementation of their professional practices. To better understand what's at stake, we need to look at the logics of activist use: logics of personal identity construction and self-assurance ("I am"), logics of collective identity construction ("we are"), logics of affiliation ("we are together"), logics of visibility in the public space ("we exist"). This is why the question of controlling the chain of selection, conservation and dissemination of feminist and queer archives is central. The aim of this article, while insisting on the performative value of archives, is to re-examine certain theoretical and practical principles of professional archivists. What can they provide that can be received? The modalities and criteria for producing archival appraisals, the mandate that the archival institution asserts for itself, taking into account the mix of staff and public, openness to non-expert practices, the implementation of co-constructed places or events, but also the realization of new collections - the deposit of time capsules and the recording of "performed" documents - are all elements likely to re-enchant archival practice.
Entre les activistes féministes et queer et les archivistes de métier existent de nombreux malentendus, à commencer par des définitions différentes du périmètre des archives – pour les premiers, fonds documentaires, fonds d’archives et collections muséales tout à la fois, là où pour les seconds prévaut une conception résolument organique – , une appréhension contrastée de la fonction archivistique – pour les premiers, un instrument de pouvoir et de visibilisation qui amène à constater, dans la lignée de Derrida, l’existence d’une violence institutionnelle exercée sur les traces que les seconds ne perçoivent pas dans la mise en œuvre de leurs pratiques professionnelles. Pour mieux appréhender les enjeux, il faut s’intéresser aux logiques d’usage des activistes : des logiques de construction identitaire personnelle et de réassurance de soi (« je suis »), des logiques de constructions identitaires collectives (« nous sommes »), des logiques d’affiliation (« nous sommes ensemble »), des logiques de visibilisation dans l’espace public (« nous existons »). C’est pourquoi la question de la maîtrise de la chaîne de sélection, de conservation et de diffusion des archives féministes et queer est centrale. L’objet de cet article, tout en insistant sur la valeur performative des archives, est de proposer de ré-examiner certains principes théoriques et pratiques des archivistes de métier. Que peuvent-ils apporter qui puisse être reçu ? Les modalités et les critères de production de l’évaluation archivistique, le mandat que l’institution archivistique affirme pour elle-même, la prise en compte de la mixité entre le personnel et le public, l’ouverture à des pratiques non expertes, la mise en œuvre de lieux ou d’événements co-construits, mais aussi la réalisation de collectes nouvelles – dépôt de capsules temporelles et enregistrement de documents « performés » – sont autant d’éléments susceptibles de réenchanter la pratique archivistique.