La congrégation bektachie du village de Tekke vit, aux dires de ses habitants, selon des règles strictes. Ses membres s’astreignent à une existence « au gibet », sous les auspices des saints thaumaturges Abdal Musa et Kaygusuz Abdal. De la nécessité de l’initiation au risque de l’excommunication, et de la pratique annuelle du vote à la consommation rituelle d’alcool, cet article s’attache à comprendre la logique confrérique d’une congrégation se réclamant d’une règle spécifique au sein de l’ordre bektachi. Et pose l’hypothèse que l’astreinte à une discipline y vise moins à une béatitude personnelle qu’à l’élaboration d’une forme idéale de vie commune, une assemblée des « accomplis » (erenler) soustraite à l’espace public comme à l’administration étatique de l’islam.