L’histoire des relations extérieures de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale est au point mort. Après le débat aussi inintéressant que politisé suscité par les travaux de la Commission d’experts Suisse-Seconde Guerre mondiale il y a deux décennies, les académiciens helvétiques ont rapidement délaissé ce champ d’étude de telle sorte que les résultats extraits des archives par la commission Bergier, qui portaient presque exclusivement sur les rapports économiques avec l’Allemagne nazie, n’ont jamais été inscrits rigoureusement dans un cadre historique plus général. Il n’est pas erroné de prétendre que la situation historiographique s’est même détériorée en ce domaine par rapport aux années 1970-1990, période durant laquelle les historiens suisses ont osé se confronter aux grandes questions soulevées par la neutralité et la garantie de la souveraineté du pays, sans toutefois pouvoir profiter des connaissances dont on dispose aujourd’hui sur les rapports économiques et sans parvenir à replacer de façon convaincante le cas suisse dans un contexte européen. Il est donc grand temps de procéder à un réexamen en profondeur des relations extérieures de la Confédération helvétique pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est ce que les pages suivantes se proposent de faire, en les abordant sous trois angles, militaire, financier et diplomatique et ce, respectivement dans une perspective de courte, moyenne et longue durée. Fondés sur une lecture exhaustive des vingt-cinq volumes de la commission Bergier et de la série des documents diplomatiques suisses, ainsi que de nouvelles recherches en cours dans les archives des pays alliés, ces chapitres partent tous d’une volonté de décloisonner l’approche afin d’intégrer les relations économiques dans le tableau plus vaste de l’histoire suisse et européenne. Car c’est uniquement par un élargissement du spectre d’analyse, une meilleure pondération des faits et une prise de hauteur par rapport à la situation en Suisse qu’une discussion historique digne de ce nom pourra enfin être initiée, au-delà des vaines polémiques.