Interroger les pratiques mobilisées par les enseignants, débutants ou non, pour permettre aux élèves d’apprendre nécessite de comprendre l’origine, le cheminement et l’appropriation par les professeurs de certains dispositifs pensés hors de l’école. C’est pourquoi nous nous intéresserons ici plus spécifiquement à l’un d’entre eux, le « Quart d’heure de lecture » qui prend sa source dans le dispositif associatif « Silence, on lit » dont une des fondatrices est Danièle Sallenave. Adopté par l’Éducation Nationale, il est adossé à l’opération « Lire et faire lire » qui se développe principalement dans le champ périscolaire et trouve un ancrage académique à Versailles sous l’intitulé « Lire ensemble ». Nous nous proposons, dans le cadre de cette communication, de saisir la manière dont un professeur de Lettres-Histoire expérimenté d’un lycée polyvalent du bassin de la Mantes-la-Jolie dans les Yvelines s’approprie ce dispositif en le détournant (De Certeau, 1990), dans le but de favoriser une pratique de lecture plaisir pour ses élèves de Seconde professionnelle. Sur le plan méthodologique et épistémologique nous nous proposons d’interroger le processus d’appropriation du « Quart d’heure de lecture » par cet enseignant en prenant appui sur les écrits produits dans le cadre d’un dispositif d’analyse collaborative de situations éducatives GPS (Gérer Professionnellement les Situations) mis à disposition d’une équipe de professeurs de la voie professionnelle dans le cadre d’un LéA (Lopez, Nordmann, Bongrand & Ponté, 2016). Nous faisons en effet l’hypothèse qu’accompagné par une équipe de formateurs et d’enseignants chercheurs, le dispositif d’écriture collaborative GPS constitue un analyseur pertinent pour saisir la diffusion d’une pratique de lecture « indépendamment de tout système d’ingénierie didactique ». Il repose en effet sur un protocole rigoureux, alternant écrit et oral – récit de la situation, analyse des problèmes posés, recherche des textes réglementaires, discussion des pistes de résolution, recueil de points de vue de collègues, confrontation à des textes de recherche et exposé d’une prise de parti finale. À partir d’une comparaison de quatre versions consacrées au « Quart d’heure de lecture », co-écrites entre janvier 2018 et janvier 2020 par l’enseignant de Lettres-Histoire et deux autres de ses collègues, nous proposons de privilégier une approche dialogique fondée sur la clinique de l’activité (Clot et Faïta, 2000, Clot, 2005) pour interroger des angles morts de la scolarisation d’une pratique associative et/ou de son appropriation par un enseignant : commande institutionnelle, climat scolaire et accès à la littérature, choix didactique et pédagogique… L’analyse des différentes versions ainsi que les évolutions actuelles du dispositif GPS – hybridation du dispositif avec la création d’une plateforme numérique permettant de déposer les situations rédigées et des ressources complémentaires, favorisera le croisement des points de vue et le dialogue entre différents acteurs de l’école. Elle pourrait permettre au professeur de Lettres-Histoire concerné et à l’ensemble des acteurs du LéA de poursuivre dans le sens d’une meilleure intelligibilité des pratiques réelles.