Si le terrain malien est largement inaccessible aux chercheurs, force est de constater qu’il n’a jamais été aussi « connecté ». Depuis l’arrivée de la technologie 3G en 2010, la téléphonie mobile, avec l’usage des réseaux sociaux comme des applications mobiles de messagerie instantanée, s’est généralisée, grâce à des forfaits spécifiques à bas prix. Au Mali et ailleurs en Afrique, ces médias sociaux irriguent le quotidien des individus, au point où certains chercheurs les placent « au centre de la fabrique sociale » (De Bruijn et Van Dick, 2012). De manière plus générale, la révolution numérique conduit à la création d’un nouveau courant au sein des sciences de l’information et de la communication et des sciences sociales appelé « ethnographie du virtuel » (Pastinelli), « digital ethnography » (Pink et al.) ou « Netnographie » (Kozinets). Loin de l’idée que l’espace virtuel se pose « en abstraction des autres sphères de la vie sociale » (Pastinelli, 2011), les chercheurs de ce courant le considèrent comme « lieu pratiqué » (De Certeau, 1980), tandis que les « linking technologies » (De Bruijn et Van Dick, 2012) sont envisagées dans leur capacité d’action sur les individus et les sociétés. Cet article fait le point sur ce nouveau courant, avant de suivre la vie sociale des connections pour voir ce qu’elles nous apprennent de la crise malienne, c’est-à-dire interroger ce que les médias sociaux font à cette crise sur le plan des médiations ou des clivages identitaires, des émancipations ou des conservatismes.