Depuis 2010, l’art traditionnel du khöömii mongol (chant diphonique) est inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité à l’UNESCO. Cet art fascinant dans lequel une personne produit vocalement plusieurs sons simultanément a été l’objet du travail doctoral ethnomusicologique de Johanni Curtet. Son immersion dans la culture mongole lui a permis de rencontrer des maîtres de chant diphonique (khöömiich ou diphoneurs), de se former à leur contact, et de publier la première anthologie du khöömii mongol. Pour sa promotion, une tournée unique internationale a été organisée en 2016 avec 12 diphoneurs et musiciens, hommes, femmes, jeunes et vieux maîtres, bergers, professionnels, issus de différentes provinces de Mongolie. Le fait que les diphoneurs puissent produire une mélodie complexe en gardant la fréquence fondamentale de la voix fixe intrigue les chercheurs depuis longtemps. La tournée de 2016 nous a offert l’opportunité exceptionnelle de mener un programme d'investigation scientifique sur les aspects physiologiques (respiration, phonation, articulation) et acoustiques de cet art afin d’explorer la production des styles les plus usités : isgeree khöömii, tsuurai khöömii, khamryn khöömii, zadkhai kharkhiraa. Les premiers résultats montrent qu’un même style peut faire appel à des jeux de langue ou de lèvres très divers. Sur le plan acoustique, le chant diphonique est un art riche et complexe de contrôle du timbre vocal. Cette interaction pluridisciplinaire et culturelle entre des maîtres de chant diphonique, un ethnomusicologue et des scientifiques de la voix a été illustrée dans le film « Voyage en Diphonie » réalisé par Jean-François Castell (Les Films du Rocher, 2018).Une grande base de données a été acquise, dont seule une petite partie a été exploitée à ce jour, faute de moyens suffisants. Ces résultats sont importants pour la connaissance de la technique vocale et pour enrichir l’enseignement, aussi bien en France qu’en Mongolie.