Cette proposition de communication repose sur une recherche portant sur la construction de la polyvalence sportive, à travers l’analyse des carrières (Becker, 1985, Darmon, 2003) d’athlètes impliqués dans la pratique de sports pluridisciplinaires tels que le pentathlon moderne ou les épreuves combinées en athlétisme. L’analyse met en évidence deux grands types de carrières : à côté de ceux qui suivent le « cursus » fédéral officiel (c’est-à-dire dont l’entrée dans la pratique se fait dans l’enfance, en moyenne vers 9 ans, et qui franchissent les catégories jusqu’à se spécialiser dans le pentathlon moderne complet ou les épreuves combinées à l’adolescence), un certain nombre d’athlètes intègrent la pratique pluridisciplinaire plus tardivement à la suite d’une reconversion. Ces cas, qui permettent bien souvent de prolonger l’engagement sportif d’individus qui font face à des résultats et une motivation en baisse, en même temps qu’ils servent aux fédérations à renforcer leur élite sportive, apparaissent donc néanmoins comme des bifurcations dans des parcours balisés (Denave, 2015), et en ceci constituent des points d’entrée utiles pour aborder la question du passage de frontières. La comparaison entre les deux sports permet de faire émerger des processus convergents, mais aussi les spécificités propres. Il y ainsi des frontières institutionnelles évidentes à passer dans le cas des nageurs (bien souvent) qui deviennent pentathlètes, et ces transitions ont un coût important qui ne se réduit pas à la prise de licence. C’est en fait un processus qui nécessite toute une série d’apprentissages : évidemment, de nouvelles disciplines sportives, mais aussi, plus largement, d’une culture sportive, qui repose sur des éléments organisationnels (forme concrète des compétitions et des entraînements qui, même dans le cas de disciplines identiques, peuvent différer) et des éléments corporels (usages corporels différents, ce qui suppose un apprentissage qui n’est pas sans présenter des difficultés se traduisant notamment par des blessures « communes » aux reconvertis). Même lorsque la frontière institutionnelle n’est pas aussi marquée comme dans le cas de l’athlétisme – où il s’agit de passer d’une famille de spécialité à l’autre au sein de la même fédération – le passage de frontière ne peut se réduire à un moment mais résulte bien d’un processus (se défaire d’un groupe d’entraînement pour en intégrer un nouveau) qu’il s’agira de renseigner précisément. A partir de l’analyse de processus de reconversions sportives, il s'agit de faire émerger la « réalité » de ces frontières en tant que constructions sociales entre des espaces sportifs qui se distinguent institutionnellement, culturellement et symboliquement. En partant des cas individuels, il s’agira de discuter des politiques institutionnelles, des rôles des acteurs, des processus d’apprentissage, des cultures corporelles, et des modes d’organisation qui favorisent ou contrarient les passages de frontière.