Enquêter sur les sports pluridisciplinaires, en particulier la pratique de haut niveau du pentathlon moderne et des épreuves combinées en athlétisme (heptathlon, décathlon), c’est se confronter à un objet de recherche aux caractéristiques spécifiques qui ne sont pas sans influer sur la façon dont les savoirs circulent entre les enquêtés et la chercheuse. En effet, s’agissant de sports assez peu médiatisés et relativement confidentiels (malgré l’obtention d’une médaille d’argent olympique pour chacun d’eux en 2016), les acteurs se montrent très favorables à la mise en œuvre d’une recherche scientifique, qu’ils investissent comme une occasion de faire parler de leur pratique, et l’accès au terrain pour l’ethnographie n’en est que facilité. En outre, ils ne sont généralement pas étrangers au milieu représenté par la chercheuse : un certain nombre d’athlètes, d’entraîneurs et de dirigeants ont fait ou mènent des études en STAPS et sont ou ont été professeur d’EPS, ce qui en fait des experts « para-scientifiques » des disciplines étudiées. Ainsi, ils sont familiers des sciences du sport, et si la sociologie n’est pas toujours parfaitement identifiée, ils sont en demande de savoirs scientifiques, perçus comme des ressources utiles pour une réflexion sur leurs fonctions et l’amélioration de leur activité. Pour ces deux raisons principales, les savoirs produits par l’enquête sont particulièrement attendus par les enquêtés. Pour autant ces mêmes résultats peuvent apparaître dérangeants, parce qu’ils sont contre-intuitifs voire contradictoire avec le vécu des acteurs au quotidien. La communication proposée visera donc, à partir d’un retour réflexif sur une enquête de terrain en cours, à initier la réflexion autour de la question suivante : comment rendre-compte de savoirs attendus mais qui ne correspondent pas aux attentes ? Cela amène à envisager les rapports de loyauté entre enquêtés et enquêtrice tout au long du processus d’enquête et à repenser la dichotomie classique entre (savoirs) experts et profanes, qui est ici mise à mal. Il ne s’agit pas simplement de restituer des savoirs aboutis et stabilisés au terme de l’enquête ; mais bien plutôt d’une réelle circulation de ceux-ci entre les deux pôles, aux différentes étapes de l’enquête. La façon dont les savoirs sociologiques sont diffusés, traduits, compris et acceptés par les enquêtés est part intégrante de la possibilité de poursuivre l’investigation de terrain et l’accumulation de matériaux : d’un point de vue méthodologique, il est donc nécessaire de penser ensemble relation aux enquêtés, positionnement sur le terrain et production de savoirs.