Création paysagère et habitat des guerriers à l’époque d’Edo. Le jardin Kenrokuen de Kanazawa - Archive ouverte HAL Accéder directement au contenu
Chapitre D'ouvrage Année : 2020

Création paysagère et habitat des guerriers à l’époque d’Edo. Le jardin Kenrokuen de Kanazawa

Résumé

Dans l’histoire japonaise, l’époque d’Edo (1603-1867) correspond à une période d’urbanisation sans précédent. Après plus de deux siècles de guerres civiles et de conflits armés, le Japon entre dans une période de paix, au cours de laquelle des centres urbains se développent dans tout l’archipel. Dans le nouvel ordre politique et économique instauré par le gouvernement des Tokugawa, le seigneur provincial se voit octroyer un domaine, qu’il dirige depuis son château et autour duquel se développe une agglomération, dite jōka machi 城下町, ville-sous-château. Les seigneurs domaniaux de l’époque d’Edo se sont le plus souvent installés dans des châteaux reconstruits sur le site d’une forteresse de la période médiévale. C’est autour de ces châteaux nouvellement bâtis que se développent alors les capitales provinciales, à l’instar du château d’Edo et de la capitale politique du pays : la plus vaste jōka machi du Japon d’alors. L’expansion urbaine fulgurante d’Edo – qui devient au XVIIIe siècle la plus grande ville mondiale – est stimulée par l’instauration du système de résidence alternée, sankin kōtai 参勤交代, institutionnalisé par le shogunat en 1635, qui oblige les seigneurs, daimyō 大名, à séjourner en alternance à Edo et dans les capitales provinciales. Le système de résidence alternée impose donc la construction de plusieurs demeures, tant en province qu’à Edo, où la famille doit rester en l’absence de ce dernier. Ce règlement, conçu pour garantir le contrôle tant physique que financier des seigneurs, est à la source d’une urbanisation galopante de la capitale et, avec elle, de l’émergence de styles architecturaux et paysagers nouveaux. Les résidences seigneuriales comprennent deux principaux types : la demeure principale, kami yashiki 上屋敷 (« la résidence haute »), et la demeure secondaire, shimo yashiki 下屋敷 (« la résidence basse »). La résidence principale comprend le palais officiel d’où le seigneur dirige les affaires relatives au domaine, mais aussi ses appartements privés et ceux de sa famille. Parfois, une troisième demeure indépendante, la résidence intermédiaire, naka yashiki 中屋敷, est bâtie pour la famille du seigneur. Témoignant d’une certaine opulence par leurs matériaux et leurs formes architecturales, les résidences sont en outre entourées de jardins, dont certains, d’une superficie de plusieurs hectares, atteignent des dimensions jusqu’alors inégalées au Japon. Les jardins des résidences seigneuriales, dit de style kaiyū shiki 回遊式, « jardin promenade », se caractérisent par de vastes aménagements paysagers articulés autour d’un étang. Les chemins parcourant ces étendues, jalonnés de pavillons de plaisance, permettent de longues promenades rythmées par des panoramas variés, des artefacts conçus pour évoquer au promeneur des scènes de paysages renommés, de mer, de montagne ou de campagne. Ce style de jardin s’est diff usé au cours de l’époque d’Edo dans l’ensemble des résidences seigneuriales du pays, certains jardins provinciaux rivalisant de beauté avec ceux de la capitale impériale Kyōto, berceau de l’art des jardins au Japon. Ainsi en est-il pour le Kenrokuen 兼六園, le « Jardin des Six Attributs » des seigneurs Maeda du fief de Kaga, à Kanazawa, alors quatrième ville du Japon (après Edo, Kyōto et Ōsaka), dont la population dépasserait les 100 000 habitants à la fin du XVIIe siècle. Malgré son statut de vassal extérieur, tozama daimyō 外様大名, la famille Maeda est à la tête du fief le plus riche du pays, notamment en raison d’une excellente gestion des terres domaniales, d’un accroissement constant des zones cultivées et d’une modernisation rationnelle des infrastructures. À partir du XVIIe siècle, le jardin – qui atteint de nos jours une superficie de dix hectares – va tour à tour être créé, modifié et agrandi selon les besoins et les ambitions artistiques, techniques et politiques des seigneurs Maeda. Aujourd’hui considéré comme l’un des trois plus beaux jardins du Japon, le Kenrokuen demeure l’un des plus beaux témoignages bâtis de ce qu’a été la richesse et le raffinement de la culture de Kanazawa.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-02969605 , version 1 (16-10-2020)

Identifiants

  • HAL Id : hal-02969605 , version 1

Citer

Delphine Vomscheid. Création paysagère et habitat des guerriers à l’époque d’Edo. Le jardin Kenrokuen de Kanazawa. Mutations paysagères de l’espace habité au Japon. De la maison au territoire, Éditions Collège de France, Collection Institut des Hautes Études Japonaises, pp.115-146, 2020. ⟨hal-02969605⟩
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