Cet article est une réflexion sur un type documentaire, les livres de missives urbains, qui sont des registres rassemblant les lettres envoyées par une ville. Il s’intègre dans l’historiographie actuelle sur la diplomatique urbaine, en particulier les livres municipaux, tout en entendant apporter une modeste contribution aux études sur la diplomatie des villes de la fin du Moyen Âge. À partir de l’étude de ces livres dans les villes du sud-ouest de l’Empire au XVe siècle (Bâle, Berne, Colmar, Fribourg-en-Brisgau, Fribourg en Nuithonie, Mulhouse, Sélestat et Soleure), il cherche à voir comment ils participaient d’un effort pour maîtriser la correspondance en établissant des procédures de fabrication et en garantissant à la fois l’utilisation et la conservation des lettres par les autorités urbaines. Dans une première partie, les documents eux-mêmes sont décrits dans leur composition et leur matérialité, et les acteurs participant à leur production sont présentés. Puis c’est la fonctionnalité de ces livres qui est remise en question : la deuxième partie étudie les manières dont les personnels des chancelleries et les autorités urbaines utilisaient et conservaient les lettres : peut-on vraiment parler d’une rationalisation des usages de l’écrit ? Enfin, le dernier temps de l'article cherche à déterminer si ces documents donnent un reflet fidèle de la correspondance urbaine, en les confrontant à d’autres types de sources comme les registres de délibérations ou les comptabilités urbaines : or on constate qu’ils sont très incomplets, mais qu’ils permettent bien, par les formules d’adresses utilisées ou le choix du support de la missive (papier ou parchemin), d’établir une hiérarchie fine des correspondants. C’est ainsi notamment la question de l’exploitabilité statistique des livres de missives qui est ici posée. Deux tentatives d’une telle exploitation sont faites, avec une cartographie des lettres envoyées par Colmar et Bâle en 1449. Au total, malgré leurs manques, voire en partie grâce à eux, ces livres ouvrent grand une fenêtre sur l’espace géographique et social de la diplomatie urbaine du sud-ouest de l’Empire, tout en reflétant les usages multiples, parfois difficiles à concilier, de l’écrit par les villes, entre rationalisation du gouvernement, volonté de contrôle et efforts d’auto-légitimation.