La nécessaire réduction du recours aux fertilisants minéraux dans les agricultures du nord impose aujourd’hui de revoir les modalités de gestion de la nutrition phosphatée des cultures. Il est indispensable de bien raisonner la disponibilité du phosphore (P) dans le sol afin d’économiser au mieux cette ressource précieuse. A l’heure actuelle, la disponibilité de P est essentiellement estimée à travers les analyses de terre qui reposent sur des méthodes d’extraction très diverses, et qui montrent toutes de sévères limites d’interprétation. Cela tient largement au fait que les analyses chimiques ne tiennent pas compte des actions biologiques mises en œuvre par les plantes et ou les organismes des sols qui peuvent profondément modifier la disponibilité en P du sol dans leur environnement, en particulier dans la rhizosphère. Le concept de biodisponibilité du P rend précisément compte du fait que, dans un sol donné présentant une disponibilité de P donnée (mesurée par l’analyse de terre), la biodisponibilité peut varier considérablement selon la plante (espèce, variété), en lien avec son aptitude à modifier la disponibilité de P dans sa rhizosphère et à prospecter un volume de sol plus ou moins important. Les recherches de ces dernières années ont réussi à identifier de nombreux mécanismes biologiques déterminant la biodisponibilité du P minéral ou organique du sol dans les agroécosystèmes. Ils ouvrent des perspectives nombreuses en termes d’applications. On peut aussi imaginer des stratégies d’amélioration variétale permettant aux espèces cultivées d’être moins « gourmandes » en P, en accumulant moins de phytate dans leurs graines. Il s’agit aujourd’hui de mobiliser l’ensemble des leviers agroécologiques qui vont permettre d’utiliser au mieux toutes les stratégies mises en œuvre par le vivant afin d’exploiter les ressources en P qui dorment au pied des racines.