Le 10 mars 2011, veille des terribles séisme et tsunami qui ont touché le Japon, je concluais ainsi la conférence publique sur l’accident de Tchernobyl, que je présentais au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) à Paris : « L’absence d’accident nucléaire grave ayant touché la France depuis Tchernobyl pourrait entraîner une perte de vigilance et de pratique. Il ne faut pas baisser la garde face au risque. » Cette mise en garde, qui ne se voulait pas prémonitoire, a malheureusement pris tout son sens dès le lendemain. Après avoir été informé le 11 mars en fin de matinée que le tsunami aurait affecté la sûreté de plusieurs centrales nucléaires japonaises, dont celle de Fukushima Dai-ichi, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a activé son centre technique de crise en milieu de journée ; celui-ci restera gréé en permanence pendant près de trois semaines. Les informations, peu nombreuses mais inquiétantes, qui nous parvenaient du Japon ont conduit l’IRSN à poser ce pronostic dès le 11 mars à 17 heures, transmis à l’Autorité de sûreté nucléaire et aux ministères : «… Les systèmes utilisés pour évacuer la puissance résiduelle du cœur ne sont plus opérationnels. Si cela est confirmé, la fusion du cœur est inévitable en l’absence de restauration des systèmes de secours. » Cette prévision s’est confirmée dès la nuit suivante pour le réacteur n̊ 1 de la centrale, et les jours suivants pour les réacteurs 2 et 3.