Dans ce chapitre, Frédéric Nicolas fait la sociogenèse d’un marché du travail spécifique : celui de l’encadrement de l’agriculture biologique. La construction de ce marché du travail est saisie à travers l’analyse de deux processus – professionnalisation agricole et institutionnalisation de l’agriculture biologique – au centre desquels se trouvent l’État et la profession agricole. À rebours des analyses qui voient dans l’agriculture biologique une rupture vis-à-vis du modèle d’agriculture professionnelle hérité de la période de « modernisation agricole », cette contribution vise avant tout à montrer que la reconnaissance de l’agriculture biologique et l’émergence d’un espace d’encadrement des agriculteurs biologiques ne remettent pas fondamentalement en question la cogestion des questions agricoles entre l’État et la profession, ni ne débouchent sur l’émergence d’une profession et d’un encadrement agrobiologique autonomes. Ainsi, l’analyse du recrutement social des agents encadrant les agriculteurs biologiques et l’analyse de la division du travail d’encadrement sur le terrain permettent d’isoler les mécanismes par lesquels se reproduit, à travers l’agriculture biologique, un ordre social et professionnel hérité de la « modernisation agricole ».