Découvert en 1983, dans le cadre d’un programme de prospections dédié au potentiel archéologique des abris de la bordure septentrionale du Jura, le site de « l’Abri Saint Joseph » à Lutter (Haut-Rhin, France) a fait entre 2005 et 2011 l’objet de plusieurs campagnes de fouilles programmées. Ces travaux ont été menés dans le cadre d’une collaboration impliquant des chercheurs français de l’UMR 7044 « ARCHIMEDE » du CNRS et de l’Université de Strasbourg et des spécialistes d’archéobiologie de l’Institut de Préhistoire et Sciences en Archéologie (IPSA) de l’Université de Bâle (Suisse). Les recherches ont révélé une séquence d’occupations qui s’échelonnent entre le Mésolithique ancien et la fin de la période romaine. Cette contribution est consacrée à l’étude du mobilier en roches siliceuses pour laquelle les séries découvertes sur ce site offrent la possibilité, inédite à l’échelle régionale, de saisir sur plusieurs millénaires et au sein d’une même entité géographique, les changements et/ou les perdurations des stratégies d’acquisition, d’économie et de transformation des roches siliceuses. Pour la période s’échelonnant du Mésolithique ancien au début du Néolithique ancien, les séries lithiques découvertes au sein de l’abri de Lutter/Abri Saint-Joseph viennent à point nommé pour compléter une documentation régionale encore très lacunaire. Outre une série de nouvelles données concernant l’évolution des styles de débitages et de l’outillage, en particulier des armatures de trait, l’étude des industries lithiques a révélé entre le Premier et le Second Mésolithique, des changements importants dans la qualité et l’intensité des occupations. Dans le cadre du processus de néolithisation de l’abri, elle a également permis de mettre en évidence une composante autochtone «épimésolithique» qui, durant un certain laps de temps, a manifestement évolué concomitamment aux communautés néolithiques appartenant à la Culture à Céramique linéaire et au Grossgartach.