Les citadins ne mobilisent les catégories du juste et de l'injuste ni spontanément, ni gratuitement. Ils la mobilisent dans des contextes locaux et politiques particuliers ; dans des espaces différents selon les villes et les pays ; et en fonction d'objectifs politiques qui déterminent souvent les catégories politiques utilisées à un moment donné, en un lieu donné, pour exprimer un sentiment d'injustice. Nous nous intéressons donc moins à un sentiment 'ontologique' du juste et de l'injuste, qu'à l'expression publique ou du moins collective, d'un sentiment d'injustice, qui peut prendre différentes formes (et où le terme d'injustice ou de justice n'est d'ailleurs souvent pas prononcé, même si les revendications exprimées sont fondées sur des sentiments de cette nature) : le moment, la manière et le lieu où le sentiment d'injustice s'exprime pour devenir instrument politique. La justice avance masquée (quand elle avance), surtout dans les pays où les pratiques démocratiques sont fragiles, contestées ou absentes. La nature du régime politique est un élément de contexte crucial pour comprendre les usages (ou leur absence) de la notion de justice dans les mobilisations collectives, dans différents espaces, à différentes échelles.