La réforme des institutions politiques japonaises à partir des années 1990 : les emprunts faits au modèle britannique de Westminster Arnaud Grivaud, ATER à l'Université Paris-Diderot Contrairement à ce que Samuel Huntington semblait indiquer en définissant la civilisation japonaise comme unique et distincte des civilisations sinisées ou bouddhistes 1 , la culture japonaise actuelle est, à l'instar de celle de bien d'autres pays, le fruit d'une histoire traversée par de nombreux échanges avec les cultures voisines (et éloignées). Lui refuser toute spécificité serait certes verser dans un relativisme excessif, mais passer sous silence les nombreux emprunts issus d'autres cultures et les points communs qu'elle partage avec ces dernières, reviendrait à l'inverse à adopter une vision particulariste et figée de la culture qui ne ferait pas grand sens 2. En effet, le Japon a montré à plusieurs moments de son histoire une propension relativement forte à chercher des solutions à ses problèmes en s'inspirant de modèles étrangers. Il en extrayait souvent les éléments qui pouvaient lui être bénéfiques et évinçait ceux qui lui semblaient inadaptés, débouchant ainsi sur un modèle hybride-certes spécifiquement japonais-qui répondait à ses nouveaux besoins tout en conservant ce qu'il considérait être fondamental et essentiel 3. Le slogan wakon yōsai (« esprit japonais-connaissance occidentale ») inventé par Yoshikawa Tadayasu 4 (1824-1884) lors de la restauration de Meiji 1867, promouvait ainsi cette idée que le Japon devait conserver ce qui faisait son identité tout en se modernisant au contact des puissances occidentales 5. 1 À noter que dans son énumération des principales civilisations existant dans le monde, Huntington fait du Japon l'unique pays constituant à lui seul une aire civilisationnelle. Samuel P. Huntington, The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, New York, Simon & Schuster, 1996. 2 Le discours sur la « japonité » (nihonjin-ron), particulièrement populaire au Japon dans les 1980, tombe précisément dans cet écueil. 3 Les exemples sont innombrables, mais on peut citer le cas du bouddhisme qui, importé au Japon au VI e siècle de Chine via la Corée, a subi de multiples arrangements et a fait l'objet, avec le shintō, d'un syncrétisme réalisé par le prince Shōtoku Taishi. On peut également évoquer le système d'écriture japonais qui mêle des idéogrammes chinois (kanji) et des caractères phonétiques japonais (kana) créés plus tardivement à partir des premiers. 4 Les noms patronymiques japonais précèdent les prénoms, conformément aux conventions d'usage, sauf lorsqu'ils apparaissent comme noms d'auteurs d'une référence citée en note de bas de page. 5 Il reprenait en fait l'expression wakon kansai (« esprit japonais-connaissance chinoise ») que l'on retrouve dans les écrits de Sugawara no Michizane (845-903).