L'accidentalité routière reste un enjeu majeur de santé publique, notamment chez les adolescents et les jeunes adultes. Un des différences individuelles les plus marquantes concernant l'accidentalité concerne le sexe. En effet, les hommes représentent, sur la route, 75% des tués et 62% des blessés (Assailly, 2018). Les recherches ont montré que la conformité des individus aux stéréotypes de sexe est un facteur explicatif important des comportements des conducteurs : la conduite risquée et infractionniste est un moyen accessible pour les hommes de prouver leur masculinité (voir Granié, Degraeve et Varet, 2019, pour une revue). L'enjeu central des actions et politiques publiques d'éducation et de prévention à mettre en place est d'atténuer les prises de risques des garçons et des hommes, en tentant de dissocier masculinité et prise de risque, ou au moins de faire prendre conscience de l'existence de ces stéréotypes de sexe et de leur effet délétère sur les comportements des garçons (Granié, 2013). Dans une approche de pédagogie positive et active, cet objectif de sensibilisation peut se poursuivre en mettant les filles et garçons dans une situation de réflexion, d'expression de soi et de collaboration pour élaborer par eux-mêmes leurs propres réponses dans une posture de citoyen actif. Pour prendre en compte la voix des enfants dans les processus de recherche et d'innovation, des ateliers de recherche participative ont été conçu, en collaboration avec le Pôle Science et Société et les chercheurs de l'IFSTTAR, par l'association Imagineo, qui a pour vocation de développer le pouvoir d'agir des enfants et adolescents en les impliquant dans la construction de la société. En suivant un processus de Design Thinking et en utilisant des outils d'Intelligence Collective, ces ateliers de pédagogie ascendante créent un espace de réflexion, d'expression et d'échanges. Ce format a été réalisé sur les thématiques de la distraction au volant et le partage de la rue . Ces ateliers ont démontré leur intérêt pour le chercheur, pour lequel le regard des enfants est source d'inspiration (Pigeon et al., 2018). Outre le développement de compétences liées au pouvoir d'agir à travers une posture de citoyen actif, en appliquant la démarche à la thématique de la différence de sexe dans la prise de risque routière, l'objectif est d'explorer leur potentiel comme outil de sensibilisation active à un enjeu social, à travers l'appropriation d'un sujet et l'engagement dans la proposition de solutions. Deux groupes de 12 enfants de 9-11 ans du Centre Social et Culturel Gérard Philipe de Bron participeront aux ateliers. Les ateliers se dérouleront au mois de juillet 2019 sous forme d'une session de 3 heures encadrée par deux facilitateurs Imagineo (psychologue et éducatrice spécialisée) en présence des chercheurs. Dans une phase d'inspiration, les enfants partageront leurs perceptions sur les attributs et comportements des hommes et femmes, garçons et filles dans la mobilité, pour ensuite les questionner, explorer l'origine de ces comportements et de ces croyances et s'interroger sur la nécessité de s'y conformer. En utilisant des techniques d'idéation créative, les enfants relèveront enfin le défi, amené par les chercheurs de l'IFSTTAR, d'atténuer les différences de sexe dans les comportements à risque en proposant des solutions originales pour sensibiliser d'autres personnes (enfants ou adultes) à l'existence de ces croyances et les inciter à ne pas s'y conformer. Ils élaboreront leurs propositions en petits groupes et pourront les faire évoluer en échangeant avec le chercheur. Ainsi, les enfants aborderont la question de façon ludique, positive et participative. Par la suite, les participants des deux groupes présenteront leurs propositions aux autres participants et à plusieurs chercheurs à l'IFSTTAR. Ils seront invités à argumenter leur solution afin d'expliciter leur vision et leur raisonnement. Nous présenterons lors du colloque une observation qualitative des interactions verbales entre les facilitateurs/chercheurs et les enfants, et entre les enfants eux-mêmes (notamment entre les filles et les garçons). Nous présenterons également les solutions proposées par les enfants pour atténuer les différences de sexe dans les comportements à risque et une première analyse des discours et de leur évolution au cours des ateliers, afin d'apprécier si ce type de démarche participative peut être un moyen de sensibilisation aux différences de sexe dans la prise de risque et de prévention des accidents des garçons. Nous attendons de ces ateliers un double effet de sensibilisation dont nous proposerons des éléments d'analyse lors de la présentation. Tout d'abord, nous nous attendons à ce que le questionnement initial dans la phase d'inspiration amène des changements dans les verbatim, entre le début et la fin de cette phase, montrant notamment la prise de conscience des croyances sociales. Nous explorerons notamment quelles interactions entre les adultes et les enfants proposées par les facilitateurs permettent d'enclencher ce changement. Ensuite, nous nous attendons à ce que les réponses au défi, invitant les enfants à réfléchir au moyen d'amener la prise de conscience des croyances à d'autres personnes, renforcent cette sensibilisation et cette prise de conscience. Ceci devrait se traduire par de nouveaux changements dans les verbatim, entre ceux récoltés lors du démarrage de l'atelier et ceux récoltés dans la phase de restitution.