Cette communication propose un retour réflexif sur une expérience comparative de recherche dans le cadre de l’ANR IRGENT (pour International Rural Gentrification, 2014-2018) et, plus précisément, sur les analyses quantitatives nationales menées avec plusieurs collègues français et étrangers sur les trois pays du périmètre du projet (France, Etats-Unis, Angleterre/Pays de Galles). Influencées aussi bien par les contextes de production (disponibilité des données, fonctionnement académique, etc.) que par les manières de travailler des uns et des autres (intérêts de recherche, habitudes, etc.), il s’agira de s’intéresser aux discussions, aux choix, aux consensus comme aux incompréhensions qui ont orienté la recherche collective. Ainsi, l’objectif sera de contribuer à la réflexion proposée par le colloque sur « une approche française de la gentrification rurale », du point de vue principal des méthodes quantitatives et de la comparaison internationale, et ce à travers une forme d’introspection sur la « science en train de se faire » (Latour, 1989). Deux temps de recherche seront plus particulièrement discutés. Le premier concerne la définition statistique du « rural » retenue dans le projet IRGENT, de la délimitation générale (cf. ensemble des territoires hors des agglomérations de 10 000 habitants et plus) à la construction d’une classification spatiale à échelle fine (communes [France], census tracts [Etats-Unis], output areas [Angleterre/Pays de Galles]) sur la base des données de mobilité domicile-travail. Le deuxième concerne le protocole d’analyse croisée de la gentrification rurale à l’échelle nationale dans les trois pays, de la sélection d’indicateurs statistiques élémentaires (part des plus diplômés, part des middle and service classes, etc.) à l’établissement d’une classification commune (nommée cheese categories) pour évaluer l’intensité du processus dans l’espace. Outre le fait de discuter les choix méthodologiques, et de rendre compte des difficultés de la comparaison internationale, ces deux temps de recherche conduiront aussi à interroger des dimensions plus théoriques de la notion de gentrification rurale, en particulier les relations au monde urbain et l’inscription périurbaine du processus.