Comprise en termes rhétorique, l’opposition chaud / froid à l’âge classique n’est pas réservée au seul espace de l’elocutio, où elle vise traditionnellement la différence entre un style sèchement « philosophique » voué à éclairer l’entendement, et un style figuré voué à embraser le cœur. Elle tend aussi à opposer au feu de l’action et à la chaleur de la parole incarnée, la froideur supposée de l’orateur au moment de se préparer dans le silence de son cabinet à son prochain discours. Mais d’une opposition si topique, tous les théoriciens de la prédication ne tirent pas les mêmes conséquences : appliquée à la régulation du passage de l’elocutio à l’actio, cette antithèse du chaud et du froid les engage tantôt à minorer la part de la froide elocutio dans la préparation de l’orateur, et tantôt à s’efforcer de compenser son déficit de chaleur. Entre pari sur les ressources naturelles de l’improvisation et confiance en la capacité de l’écrit à ne s’échauffer pas moins que l’oral, cette distinction chaud/froid suggère en tout cas un mode de compréhension et, par suite, de résolution, tout thermodynamique des problèmes rhétoriques, et définit plus avant, sinon un champ de tension, du moins l’espace d’une hésitation – entre précellence de la lecture ou de l’audition, de l’écrit ou de l’oral, de l’art ou de la nature.