Vers la fin de Clèves, à l’occasion d’une longue scène en forme de bal de têtes dégradant sur un mode burlesque les codes de la mondanité ancien-régime, la jeune Solange note, comme en passant, au sein même de La Clef de Clèves, le magasin tenu par sa mère, que « Clèves fait […] penser à lèvres. Et commence comme clitoris ». Or ce qui se présente incidemment comme une simple rêverie sur le signifiant ne manque pas de s’offrir, dans un tel contexte, aux vibrations méta-discursives les plus insistantes. On fera la double hypothèse -que cette même rêverie cristallise les deux grandes thématiques du roman : othématique, toute sociale, d’une part, mais en contexte régulièrement érotisée, du centre (ici métaphorisé par le clitoris) et de la périphérie ; oet thématique, plus psychanalytique, d’autre part, concernant la part de clivage – autre direction fléchée par le signifiant de Clèves – induite, au sein de tout énonciateur, par son simple recours au langage (ici dénoté par les lèvres) ; -et qu’un des principaux enjeux de Clèves, aussi bien qu’un des premiers ressorts de son écriture, tient dans sa tentative de réfléchir – et de fait, de donner à penser – les diverses modalités de leur superposition. Ce qu’on se propose d’étudier, en montrant comment au constant enroulement de son discours autour des boucles réflexives de ses personnages, le roman semble associer très consciemment le déploiement de tout un imaginaire lié aux métamorphoses du cercle, et permettant de tenir conjointement deux discours a priori disjoints : -discours, d’ordre sociologisant, à la suite de Maurice Halbwachs, sur les douloureuses lisières du « foyer central », -et discours, d’ordre plus intime, sur ces formes de révolutions induites par tout retour sur soi – dont celle, au premier chef, de Clèves lui-même sur son illustre hypotexte.