Les écritures contemporaines de la Grande Guerre offrent un exemple de la circulation de thèmes et de formes entre le secteur de la littérature générale et celui des fictions pour la jeunesse. La Grande Guerre, qui est revenue hanter la littérature générale dès le début des années 1980, commence à s’imposer, dix ans plus tard, dans le domaine de la littérature pour la jeunesse où elle inspire plus de quatre fictions annuelles entre 2002 et 2006. À la manière de Jean Amila et de Didier Daeninckx, de Sébastien Japrisot et de Philippe Claudel, des auteurs pour la jeunesse comme Évelyne Brisou-Pellen, François Charles, Yves Pinguilly, Anne-Marie Pol, Robert Deleuse, Patrick Pécherot construisent leurs intrigues autour du refus d’obéissance et de la répression de l’état-major. Ils font de leurs héros des enquêteurs qui traquent les mensonges de l’Histoire officielle ou ils abordent la question de l’héritage problématique de celui qui se découvre le descendant d’un fusillé pour l’exemple. Tout en simplifiant les dispositifs narratifs de Pierre Bergounioux, Claude Simon et Jean Rouaud, des écrivains pour la jeunesse appréhendent le sujet d’une manière comparable à certains égards à celle de leurs prestigieux prédécesseurs en croisant les temporalités, en découvrant des archives familiales par le biais d’une enquête. Enfin, des romanciers comme Hubert Mingarelli, Gisèle Bienne et Patrick Pécherot, ont consacré deux romans au sujet, l’un en littérature générale, l’autre pour la jeunesse : les thèmes de l’héritage et la filiation trouvent leur pleine expression dans le récit pour les jeunes lecteurs.