Par Fabien BOTTINI MCF en droit public Le Havre-Normandie Université « Pourquoi joindre l'inutile au désagréable ? » s'interroge Evelyne Bechtold-Rognon dans un ouvrage récent paru aux éditions de l'Atelier. Forte de son expérience de 20 ans comme professeure de Philosophie dans le lycée des Ulis situé au nord de l'Essonne, elle en appelle à « en finir avec le nouveau management public ». Cette revendication est-elle transposable au monde de la territoriale ? C'est en tout cas ce que semble indiquer le nouveau « Baromètre bien-être au travail » livré par la Gazette des communes : 58 % des sondés estimant leur niveau de bien être dégradé et 29 % disant ressentir une fatigue nerveuse extrême, la Gazette pose la question : « où sont les managers ? » (édition du 5 novembre 2018).

L'une des causes de ces souffrances tient aux changements rapides induits par les réformes menées tambour battant depuis l'adoption de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 et ses avatars : les lois n° 2014-58 du 27 janvier 2014, de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) et n° 2015-991 du 7 août 2015, portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Car ces textes ont été adoptés au moment même où les baisses de dotation de l'État privaient les administrations d'une partie des moyens financiers leur permettant de les « digérer » dans de bonnes conditions au point de vue RH. Les chiffres sont connus : -1,5 milliard d'euros en 2014 ; 3 milliards d'euros en 2015, 2016 et 2017 et une baisse encore équivalente à 1% du budget de fonctionnement des petites communes en 2018.

Face à ces contraintes, plus qu'un chef de service, le nouveau management demande aux responsables d'être de vrais managers. Le changement de vocable n'est pas anodin. Autant le chef de service « traditionnel » était noté en fonction de sa capacité à s'assurer que ses subordonnés agissaient dans le respect des lois et règlements, autant le manager nouveau est évalué à sa capacité à motiver ses collaborateurs pour à atteindre des objectifs préétablis. Ce qui, dans le contexte, actuel, revient à faire de lui une sorte de « Mc Giver » de la territoriale.

Ce doit en effet être un bricoleur de génie (I) à qui l'on doit pouvoir demander de réaliser des équations à « X » inconnues, même si cela relève de la gageure (II). I. Le manager nouveau : un bricoleur de génie … Le nouveau manager est en permanence invité à faire preuve d'« innovations » : « Semaine d'innovation territoriale » ; « prix du manager public » ; « trophées de l'open data »… sont autant de manifestations désormais destinées tant à récompenser les manager innovants qu'à en faire une source d'inspiration pour les autres. Il s'agit à travers elles de créer une saine émulation qui est autant une concurrence larvée entre chefs de service à l'heure où la généralisation des primes « au mérite » est annoncée par Olivier Dussopt, le Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics. C'est qu'il s'agit pour les managers de trouver les leviers permettant de faire toujours plus avec toujours moins. Chacun sait que l'augmentation des prélèvements obligatoire à 1070 milliards d'euros annoncé pour 2019 (Le Figaro 15.10.2018) n'est pas destinée à