Le droit de l’action économique des collectivités publiques s’inscrit en France dans le projet esquissé par la paix d’Utrecht de 1713, et systématisé par la pensée (néo)libérale, d’organiser le « désarmement économique » (J.-C. Asselain) des nations. Repris par la Charte de l’Atlantique de 1941, concrétisé par les accords du GATT de 1947 et le lancement de la construction européenne, en 1951, ce projet a connu une avancée majeure avec l’effondrement de l’URSS, en 1991 et la création de l’OMC en 1995 : car cette dernière devait favoriser l’avènement du monde « sans droits de douane à l’horizon 2010 » que s’efforcent de réaliser depuis 2015 les accords commerciaux dits de « nouvelle génération », dont la conclusion se multiplie à marche forcée malgré le retrait américain. Conformément à ce projet, deux sortes d’évolutions, en apparence contradictoires mais en réalité complémentaires, visent à mettre les règles et les acteurs de l’action publique économique au service du bon fonctionnement du marché en droit français. L’instrumentalisation des règles traduit, d’abord, ce paradoxe : en principe proscrite au nom du respect des droits économiques fondamentaux ou de l’ordre public économique, l’intervention de la puissance publique dans l’économie est au contraire parfois prescrite, à titre dérogatoire, pour lutter contre les externalités négatives du marché en matière environnementale et sociale : grâce aux services d’utilité publique (SIG du droit européen et service public « à la française ») (Partie 1). La mobilisation des acteurs conduit, ensuite, à jouer sur les échelles de l’État : la mondialisation entraîne une redistribution des compétences entre les autorités chargées de mettre en cohérence le développement durable (l’État stratège et une Union européenne en voie de fédéralisation) et celles qui sont chargées de le mettre en œuvre (autorités de régulation et déconcentrées à qui incombe la protection de l’économie et décentralisées chargées de la déclinaison et de l’application des politiques économiques) (Partie 2). Au travers de ces évolutions, le droit de l’action publique économique français se rallie un peu plus chaque jour à cette conviction parfaitement résumée par Marthe Torre-Schaub en 2002 : « Entre nations, le concept de marché substitue la logique d’un jeu à somme positive (le commerce) à la logique d’un jeu à somme nulle (la puissance) ». Docteur en droit public, titulaire d’une Habilitation à Diriger les Recherches (HDR), Fabien Bottini est Maître de conférences à l’Université Le Havre-Normandie. Responsable pédagogique du Master droit des collectivités territoriales, il est également directeur-adjoint du LexFEIM, le laboratoire de recherche en droit de l’Université. Ses travaux portent sur les transformations du droit public induites par la nouvelle rationalité économique qui s’est imposée depuis le tournant des années 1980.