La fouille de la nécropole de Pont-sur-Seine, qui a livré les restes d’un minimum de 730 individus inhumés de la fin du Ve au XIIe siècle, a fourni l’opportunité assez rare d’étudier un cimetière dans son intégralité, puisque toutes les limites du site ont été repérées et que les terrains autour ont été explorés sur 50 hectares. Cette opération d’ampleur, conduite en même temps que la fouille de plusieurs autres occupations diachroniques a permis d’obtenir une vue d’ensemble du territoire autour de cette nécropole et surtout, de connaître l’habitat contemporain. Une première nécropole s’installe au début de la période mérovingienne dans la bande de roulement d’une voie antique, toujours en usage au Moyen Age mais alors rétrécie de moitié dans la largeur. Peu utilisée au départ, cette nécropole se développe partir du Xe siècle et colonise peu à peu une ancienne carrière à adjacente à la voie. Il semble qu’il s’agisse d’inhumations spontanées, plutôt que d’une nécropole organisée avec une gestion d’ensemble : on ne distingue aucune rangée, les orientations sont très variables et surtout, on note de très grandes différences de profondeur dans les inhumations. Il faut sans doute y voir la recherche opportuniste d’un espace où l’on peut inhumer facilement dans un terrain déjà remanié, donc meuble. Une seconde nécropole, qui deviendra par la suite la plus grosse nécropole du secteur, s’installe à 50 m vers l’ouest, sur les marges de la voie, dont elle ne tardera pas non plus à coloniser la bande de roulement. L’organisation débute comme les nécropoles en rangées classiques de l’époque mérovingienne. Ces rangées ne progressent pas dans une direction unifiée mais au gré de nouvelles sépultures implantées à côté de précédentes, dont la répartition évoque de petits noyaux « familiaux ». En parallèle à cette organisation, un petit groupe de tombes, un peu plus riches que les autres, semble de part sa remarquable stabilité spatiale, témoigner de la persistance d’une zone réservée durant trois, voire quatre générations d’élites (appartenant à un même groupe familial ?), inhumées de la fin Ve ou début VIe, jusqu’au VIIe siècle. Au pied de ce groupe, est érigé un édifice dont nous n’avons que le négatif en plan. De forme rectangulaire et d’une surface de 40 à 54 m2 environ, il pourrait évoquer une mémoria élevée en mémoire de cette « famille d’élite » christianisée. Dans le courant du VIIe siècle, on assiste à un changement dans la gestion de l’espace funéraire, changement qui s’intensifie aux siècles suivants. L’organisation en rangées tombe en désuétude et c’est l’espace étroit, confiné entre la supposée memoria et la voie antique qui devient le lieu d’inhumation le plus recherché, jusqu’à saturation. Cette disposition évoque les prémices du cimetière médiéval paroissial groupé autour de l’église, même s’il ne se développera jamais en tant que tel ici, le site étant désaffecté dans le courant du XIIe siècle. Durant la période carolingienne, on assiste donc de façon concomitante à plusieurs mode de gestion de l’espace funéraire : l’espace funéraire au maillage lâche, sans gestion apparente, avec des tombes placées dans une carrière désaffectés (nécropole 1) ; la nécropole christianisée avec agglomération contre un édifice polarisant (nécropole 2) et enfin, l’alignement de tombes de part et d’autre d’une limite parcellaire (nécropole 3 située à quelques mètres vers le nord et fouillée la même année par S. Fournand (Fournand 2010). A ces différences de gestion, correspondent sans aucun doute des différences de statut des défunts dans la mort ou de leur vivant, mais aussi à des différences de croyances. Il s’agit sans doute d’une situation de transition, à un moment où la contrainte paroissiale n’est pas encore généralisée.