La situation dans laquelle les locuteurs produisent la parole joue un rôle fondamental dans la vitesse d'élocution. Notamment, il a été montré qu'en situation de parole spontanée les segments phonétiques étaient bien plus courts qu'en parole lue (Rouas et al., 2010). On considère que ces réductions segmentales sont le résultat d'une faculté d'adaptation des locuteurs sains (Lindblom, 1990). Par ailleurs, dans certaines dysarthries on peut observer un net ralentissement du débit de parole. C'est le cas de patients atteints de Sclérose Latérale Amyotrophique (Weismer et al., 2000). Nous avons cherché ici à combiner ces deux facteurs (situation de parole et pathologie) de façon à évaluer la capacité des locuteurs SLA à adapter leur production en fonction des situations. En effet, notre hypothèse est que le déficit moteur affectant les locuteurs SLA pourrait invalider leur adaptation articulatoire et en conséquence montrer peu de variation en fonction des situations de parole. Nous avons comparé 6 locuteurs SLA avec 6 locuteurs contrôles (CTRL) dans trois types de parole différents : lecture de mots isolés, lecture d'un texte, situation d'interview. Les 6 locuteurs SLA montraient des degrés de sévérité importants. Les locuteurs CTRL et SLA avaient un âge moyen similaire. Nous avons observé les durées en regroupant les segments phonétiques en macro-classes. Figure 1 : moyenne des durées segmentales des 2 populations (CRTL et SLA) dans les 3 situations de parole. Figure 2 : moyenne des durées des macro-classes des 2 populations (CRTL et SLA) dans la situation d'interview. Nos résultats montrent que : 1/ les SLA présentent des durées moyennes bien plus élevées que les CTRL (fig. 1); 2/ les SLA semblent préserver les mêmes variations que les CTRL selon les situations de parole : augmentation des durées en lecture de mots (fig. 1) ; 3/ le ralentissement chez les SLA affecte plus fortement les voyelles (fig. 2) ; 4/ la population SLA présente une plus grande hétérogénéité; 5/ la situation d'interview n'occasionne pas un débit plus rapide que la lecture de texte (pour les CTRL comme pour les SLA, fig. 1). En conclusion, malgré des productions plus lentes, les locuteurs SLA montrent les mêmes types de variations que les locuteurs sains et semblent donc adapter leur production en fonction de la situation de parole. Nous avons également remarqué que la situation d'interview ne semble pas pertinente pour mettre en évidence des variations temporelles par rapport à la parole lue. Références Lindblom, B. (1990) "Explaining phonetic variation: a sketch of the hyper-and hypo-speech theory.", Speech Production and Speech Modelling, Hardcastle and Marchal (eds.), Kluwer Academic Publishers, 403-439, 1990.M. Rouas, J.L., Beppu, M., Adda-Decker, M. (2010) « Comparaison des propriétés acoustiques de la parole lue, préparée et conversationnelle en français », Journées d'études sur la Parole, Mons, Belgique. Weismer G., Laures J., Jeng J.Y., Kent R., Kent J. (2000) "Effect of speaking rate manipulations on acoustic and perceptual aspects of the dysarthria in amyotrophic lateral sclerosis.", Folia phoniatrica et logopaedica, 52(5), 201-219.