Pour Lipovetski et Serroy (2013), nous entrons dans l'âge du capitalisme artiste, où la compétitivité se joue sur le terrain du sensible, des affects et d'une créativité exacerbée. Les villes, elles-aussi en compétition, adoptent un management semblable aux grandes entreprises et participent de ce mouvement d'esthétisation du monde. Cet article questionne si cette dernière ne serait pas l'imposition d'un ordre dans la ville à l'exclusion de tout autre. Selon une approche de type ethnographique tournée vers les affects, une étude de cas dans la ville de Belo Horizonte (Brésil) contraste deux expériences esthétiques : celle théâtralisée par la ville où la mise en scène de l'espace promeut au centre calme, luxe et volupté favorables à la consommation ; celle de battles de MCs détournant un espace désaffecté pour le retapisser d'affects mobilisateurs et contestataires. L'enquête montre que l'esthétique promue par la politique urbaine impose un regard, l'écoute sélective de certaines voix, une occupation de l'espace, un déplacement des frontières où le public ne s'oppose plus tant au privé qu'au commun, enfin un ordre d'où tout mouvement est exclu. Nos contributions sont de jeter un regard nouveaux sur les effets de l'adoption d'un management d'entreprise dans l'action publique et de montrer premièrement qu'il existe des mouvements de contre-esthétisation, formant ce que nous appelons une guérilla du sensible ; deuxièmement que ces mouvements sont des espaces de liminalité recherchée comme telle ; troisièmement les enjeux politiques de cette esthétisation du monde particulièrement dans le cadre urbain. Nous concluons sur le besoin de multiplier les recherches axées sur la dimension esthétique pour comprendre la portée de l'emploi du management privé dans la gestion urbaine.