Les deux traits principaux du XIXe siècle dans le champ des arts appliqués et industriels sont la relation étroite qui s’établit entre art et industrie et l’élargissement extraordinaire des horizons historiques et géographiques. Ces deux phénomènes, présents dans une certaine mesure dès le début du XVIIIe, prennent des proportions inédites au XIXe au point de déterminer la réflexion esthétique d’artistes, théoriciens et historiens, aboutissant à un foisonnement créatif que les tenants de la « table rase » moderniste ont négligé, voire méprisé. Aucun autre siècle n’a accordé autant d’importance à la pénétration de l’art dans la vie quotidienne, toutes conditions confondues, des plus aisées aux plus humbles ; par ailleurs jamais les productions des civilisations humaines de toutes époques et latitudes n’auront suscité autant d’admiration et d’émulation. L’avènement progressif et irréversible de la mécanisation et de la production en série, la circulation de plus en plus rapide des modèles et des techniques, loin de freiner l’invention ou de la dénaturer, ont été un prodigieux accélérateur d’une recherche artistique qui se concrétise, dans les faits et pour la première fois, dans la fabrication d’objets censés réaliser le rêve d’une beauté pour tous et dans tout. Relevant des conceptions ornementales les plus rationnelles ou issues des visions décoratives les plus excentriques, les arts appliqués et industriels du XIXe siècle disent toujours – et indépendamment de leur rattachement hypothétique à un quelconque « style » - la stratification et la mobilité des classes sociales, l’infinie variété des perceptions nationales et/ou individuelles, l’apport vivifiant des sciences et des techniques. Cette partie est divisée en cinq sections : « Rationaliser la production, moraliser le goût » ; « La fantasmagorie du passé » ; « Le kaléidoscope du présent » ; « Technique, confort, décor » ; « Art dans tout ou art pour tous ? ».