Cet ouvrage porte sur une des modalités emblématiques de la capacité d’intervention publique : la production d’ « actes d’Etat », c’est-à-dire de décisions administratives qui, dès lors qu’elles sont prises, sont dotées d’une autorité qui nous obligent : notification, arrêté, jugement, permis, certificat, etc. L’enquête racontée découle d’une volonté : au-delà des indispensables analyses sur le sens des transformations des services publics, les réformes de ses administrations, les multiples défis auxquelles elles ne manquent pas d’être confrontées, il y a intérêt à restituer les modalités concrètes par lesquelles l’Etat s’impose. La réponse est connue : au delà de prendre des décisions légitimées par le droit, il produit des écrits. Mais comment les documents, sans lesquels ces décisions n’existeraient pas, sont-ils confectionnés ? Et par quels mystères ces papiers se couvrent-ils d’une force qui fait que c’est bien, à travers eux, l’Etat qui agit ? Pour le savoir, cet ouvrage invite à enquêter : pour rendre compte de la capacité étatique à agir, il faut comprendre comment ses actes sont fabriqués. Il faut ouvrir la porte des bureaux, arpenter leurs linéaires, en effeuiller les dossiers, en suivre la paperasserie, et entrer ainsi dans l’épaisseur des activités d’écriture, des opérations de calcul, des manipulations informatiques qui nous éclairent sur l’importance de l’organisation documentaire, la diversité des agencements bureaucratiques possibles et la puissance de leurs infrastructures. Les facettes de l’action publique explorées dans cette perspective ethnographique sont volontairement contrastées : justice de proximité, aides économiques attribuées aux agriculteurs, protection sociale. Elles n’en ont pas moins un même et unique fil rouge : décrire le droit depuis l’intelligence et les contradictions du travail bureaucratique sans lequel le droit ne pourrait se dire.