Le succès de la voiture s'explique en grande partie par l'autonomie qu'elle procure, qui comporte elle-même plusieurs dimensions. La première est la capacité à produire soi-même sa mobilité, sans être tributaire des services de transport offerts par la collectivité ou les entreprises de transport. La seconde est la flexibilité offerte par le véhicule personnel, au niveau du choix des horaires, des destinations, des accompagnants, ainsi que la possibilité de modifier à tout moment son itinéraire. Le troisième aspect de l'autonomie est la maîtrise de la conduite du véhicule. Le désir d'autonomie permet également d'expliquer l'augmentation du parc automobile des ménages depuis plusieurs décennies, et celle du trafic qui en a résulté, qui viennent principalement de la diffusion du multi-équipement, ayant permis aux femmes d'accéder à une mobilité autonome, en lien avec l'augmentation du taux d'activité féminine. La voiture est particulièrement plébiscitée par les femmes en milieu de cycle de vie, à une période où la combinaison des contraintes professionnelles et familiales entraîne un surcroît de mobilité, en raison de la possibilité d'enchaîner facilement les déplacements pour différents motifs, notamment de travail et d'accompagnement scolaire, en limitant le temps passé dans les transports. Cependant, la possession et l'usage de la voiture montrent depuis quelques années des signes de ralentissement, en France comme dans la plupart des pays développés, tels que la stabilisation du multi-équipement, la baisse de la mobilité en voiture dans les grandes agglomérations et le plafonnement de la circulation au niveau national. Cette inflexion s'explique notamment par l'augmentation du coût généralisé de la mobilité, compte tenu de l'augmentation du prix du carburant et de la dégradation des temps de transport, f ace à des politiques de déplacements (modération des vitesses, voies réservées, restriction et tarification du stationnement...) qui entraînent une diminution des vitesses réelles et rendent l'usage de la voiture plus difficile. Les attitudes à l'égard de la voiture tendent également à se rationaliser dans les nouvelles générations, pour lesquelles celle-ci devient un simple moyen de transport parmi d'autres, nourrissant l'engouement pour de nouveaux services de mobilité (autopartage, covoiturage, location de véhicules entre particuliers...) reposant sur l'usage plutôt que sur la possession des véhicules. En même temps, la filière automobile bénéficie d'une nouvelle vague d'innovations technologiques, notamment la diffusion de nouvelles motorisations moins dépendantes des énergies fossiles et l'automatisation de la conduite. L'automobile semble donc aujourd'hui se situer à la croisée des chemins, entre d'un côté des contraintes économiques, des politiques de déplacements et des évolutions de comportements qui exercent une pression modératrice sur l'usage de la voiture, de l'autre une vague d'innovations qui pourraient constituer l'amorce d'un mouvement de renouveau. Selon les facteurs qui prévaudront, les usages de la voiture pourraient évoluer soit vers des schémas plus intensifs, impliquant davantage de coopération entre individus, ou au contraire plus extensifs, en allant vers davantage d'individualisation et de spécialisation des véhicules. On peut supposer que les facteurs économiques et technologiques seront déterminants pour les évolutions futures. Un renforcement des contraintes financières, par exemple en cas de crise économique prolongée couplée à de nouvelles augmentations du prix du carburant, devrait conduire les générations ayant atteint l'âge adulte pendant la crise à revenir vers un schéma de véhicule unique, avec une utilisation partagée entre les membres du ménage, complétée par le recours aux transports en commun,