Le plus vif reproche adressé au traité de Versailles eut trait à la réparation des dommages causés pendant la guerre. Placé en tête de la partie consacrée aux réparations, l’article 231 devint rapidement un « mythe dévastateur ». L’article se lit ainsi : « Les Gouvernements alliés et associés déclarent et l’Allemagne reconnaît que l’Allemagne et ses alliés sont responsables, pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les Gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la guerre, qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses alliés ». Ce texte, complexe dans sa genèse aussi bien que dans son énoncé, a fait l’objet de critiques infinies. Il provoquera en Allemagne un ressentiment profond et durable. Pourtant, comme tous les mythes, celui de l’article 231 comporte une part importante d’obscurité et d’exagérations. L’attention portée au texte, loin d’avoir contribué à sa compréhension, lui a substitué un ensemble de représentations en rupture tant avec les circonstances de son édiction qu’avec les intentions originelles de ses auteurs. Ces représentations – bien plus que le texte lui-même – pesèrent lourdement dans la balance de l’entre-deux-guerres, et le désastre de la Seconde Guerre mondiale emporta avec lui la condamnation définitive de la diplomatie versaillaise. À un siècle de distance, certaines des ombres jetées sur la disposition se sont certainement dissipées. D’importants travaux, notamment menés par les historiens, ont mis au jour les aléas de la genèse du texte et lui ont rendu les nuances dont les propagandes menées de part et d’autre l’avaient progressivement privé. Ces travaux révèlent notamment que l’article 231, loin d’être le verdict délibéré d’une société internationale unanime, fut un accommodement conjoncturel et tardif destiné à concilier les exigences contradictoires des Puissances alliées. Or, redonner à l’article 231 sa nature et ses fonctions permet de redonner à la responsabilité de l’Allemagne sa portée et sa valeur.