L’arrêt Al-Skeini et autres c. Royaume-Uni rendu par la Cour de Strasbourg au début de l’été 2011 marque une nouvelle étape de la riche jurisprudence européenne relative à la responsabilité des Etats parties à la Convention de Rome pour les actes commis à l’extérieur de leur territoire. La Cour réunie en Grande Chambre était appelée à trancher l’épineuse question de l’applicabilité de la Convention aux actes accomplis par les forces d’occupation britanniques en Irak. Occasion était ainsi faite d’opérer un retour sur les solutions jusque là retenues en matière de « juridiction » extraterritoriale, au sens que l’expression revêt à l’article 1er de la Convention. Dans son arrêt du 7 juillet 2011, la Cour ne va toutefois pas simplement faire œuvre d’inventaire, proposant une véritable relecture de sa jurisprudence. C’est ainsi qu’elle va désavouer la thèse de l’« espace européen » des droits de l’homme retenue à l’occasion de l’affaire Banković, au terme de laquelle le champ d’application de la Convention serait limité au territoire des Etats membres. D’une manière plus générale, la Grande Chambre procède à un alignement des conditions d’exercice de la juridiction sur celles qui déterminent, en droit international, la possibilité d’imputer à l’Etat les faits litigieux. La référence faite par la Cour aux prérogatives de puissance publique détenues par les autorités britanniques en Irak pour justifier l’applicabilité de la Convention aux actes qui y ont été commis, permet par ailleurs de confirmer le lien unissant les conditions dans lesquelles un Etat partie ferait usage de sa juridiction en dehors de son territoire, et le niveau de protection des droits qu’il serait tenu d’assurer aux sujets placés sous son autorité. L’affaire Al-Skeini donne ainsi une nouvelle illustration de la variabilité des obligations mises à la charge des Etats suivant le degré de contrôle qu’ils exercent en territoire étranger.