Jean Barbeyrac (1674-1744), qui tient aujourd'hui l'essentiel de sa notoriété de sa théorie du droit de résistance, a peut-être été autant novateur, sinon plus, dans son approfondissement des principes mêmes du jusnaturalisme afin de les adapter aux idées du XVIIIe siècle. Par une série de remarques sur l'immuabilité du droit naturel, la sociabilité humaine, le discernement des hommes, le pacte social, la pérennité de la société civile et sa protection, la limitation des pouvoirs des monarques ou le droit de résistance des sujets, il a construit par touches successives une théorie originale qui sacralise d'une certaine manière le droit naturel dont il veut éviter toute violation, autant juridique que politique ou morale. Il n'est donc pas étonnant que conformément à ce dessein le droit de résistance apparaisse toujours chez lui comme un critère de qualification du politique, le moyen de vérifier la conformité de l'état civil à l'état naturel, et permette par la menace qu'il représente pour les pouvoirs publics d'aider à la sauvegarde des valeurs fondamentales de la société civile. Barbeyrac n'est certes pas encore un homme de la Révolution française, ses positions sur la souveraineté, le peuple et les individus l'en empêchent. Son sujet est encore éloigné du citoyen des textes révolutionnaires, plus proche toutefois de celui de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 bénéficiant du droit de résistance à l'oppression (art. 2), que de celui de la Constitution montagnarde du 24 juin 1793 revendiquant le droit à l’insurrection comme « le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » (art. 35). Jean Barbeyrac est pourtant déjà un philosophe des Lumières par la suprématie incontestable accordée au respect des droits naturels et imprescriptibles de l'homme justifiant ses théories de la souveraineté partagée et du droit de résistance des sujets ; théories strictement au service d'une fin qui leur est supérieure.