Les rituels funéraires grecs ont généralement été observés à partir des nécropoles athéniennes (travaux d'Ian Morris), plus rarement à partir des nécropoles d e la G rèce d 'Occident (mis à part les cas d e Pithekoussai e t d e Paestum), malgré l'acuité des remarques e ffe c tu é e s à la tin du siècle dernier par Paolo Orsi à la suite d e ses recherches en Sicile et en Calabre. Trop souvent, les nécropoles du m o n d e classique (Grèce, Rome) ont donné lieu à d es publications centrées sur l'étude des mobiliers. I n'est pas rare d e rencontrer des ouvrages sur des nécropoles qui ressemblent surtout à des catalogues d'objets, com m e si les contextes et les associations n'avaient pour but que d e contribuer à proposer des datations. Les données d e M égara Hyblaea obligent à modifier c o m p lè te m en t un tel regard dans la mesure où la complexité du système d e dépositions impose d e remettre le défunt au premier plan e t d'examiner les mobiliers d ans l'optique non d'une céramographie analytique mais d'une anthropologie funéraire la plus globale possible. M égara Hyblaea est une cité grecque située sur la c ô te orientale de la Sicile, à vingt kilomètres au Nord d e Syracuse. La ville fut fondée dans le dernier tiers du Ville siècle avant notre ère par des émigrants venus d e la ville grecque de M égare, située entre Athènes e t Corinthe. M égara Hyblaea se développa sur un site d e soixante hectares, en bordure d e la mer avec un urbanisme organisé d è s le d é p a rt d e manière régulière; il s'agit aujourd'hui d e l'un des plus anciens exemples d'urbanisme d an s le m o n d e occidental (fouilles d e l'École française d e Rome à partir d e 1949). La recherche archéologique y tut active dès la fin du XIXe siècle, grâce surtout à Paolo Orsi qui fouilla environ un millier d e tombes dans une nécropole située à l'extérieur des murailles, à l'ouest d e la cité. Dans l'après-guerre, des fouilles d'urgence furent effectuées principalement au sud d e la ville où se trouvait la s e c o n d e grande nécropole grecque : cinq cents tom bes y furent fouillées e t la publication est en cours d e préparation. Les recherches récentes ont permis d'aller au-delà des résultats importants obtenus par Orsi. Les m éthodes d e fouille e t surtout la prise en c o m p te systématique des données anthropologiques (Henri Duday, CNRS, Bordeaux) d o n nent la possibilité d'envisager des questions que Orsi ne pouvait soupçonner. Dans les deux nécropoles, les pratiques funéraires sont très variées. L'inhumation e t l'incinération coexistent et sont déclinées d e différentes m anières : incinérations en pleine terre, ou dans d e s sa rc o p h a g e s d e pierre (utilisés principalement pour des inhumations), ou encore dans des récipients (vases d e bronze, vases d e céram ique, am phores) ; inhumations en pleine terre, ou dans d es sarcophages individuels ou collectifs, ou encore d ans d e s récipients pour les enfants en bas â g e (amphores, pithoi, hydries principalement). L'analyse anthropologique a surtout permis d e faire ém erger les données relatives à la population d e s nouveau-nés e t des enfants en bas â g e. Les nouveau-nés sont particulièrement nom breux c e qui ne saurait surprendre dans une société des Ville, Vile e t Vie siècles avant J.-C. (M égara H yblaea est détruite par Gélon, tyran d e Syracuse en 483 avant notre ère). 1 est frappant d e constater q u e la plupart des mobiliers appartiennent à d es tom bes d'enfants, les tom bes adultes é ta n t souvent dépourvues d e mobilier. À c e stade, toute une série d e problém atiques apparaissent. ï s'agit par exem ple d e voir com m ent les données relatives aux sarcophages concourent à mettre en évidence une program m ation des réouvertures des tom beaux pour d e nouvelles dépositions : d e fait, les dalles d e pierre qui perm ettent la fermeture sont parfois d o té e s d'engravures (entailles latérales) permettant à deux hommes d e basculer a v e c facilité d e s dalles p e san t plusieurs centaines d e kilos. Par ailleurs, le positionnement des élém ents du mobilier dans la tom be n'est pas toujours suffisant pour relier telle offrande à telle déposition : il s'agit alors d'ouvrir une réflexion m ettant en relation les formes céram iques, ou les bijoux, av ec les classes d 'â g e e t les sexes.