A priori, le thème de la date en tant que référence au temps juridique peut apparaître trivial. La datation est une question technique consistant à rechercher un point de repère chronologique, ce qui permet de distinguer un avant et un après dans la formation et l’application du Droit. Cette étude entend montrer que la date, prise comme objet d’étude, a quelque chose à nous dire de la notion de référence, de son bon ou de son mauvais usage en Droit. Dans un environnement cerné par les dates, la question des rapports entre le temps et le Droit n’est pas aisée à trancher, en raison à la fois du pluralisme et de l’ambiguïté de ces rapports, alors même qu’il s’agit de répondre au besoin essentiel de sécurité. Or, selon les situations, le temps constitue à la fois une donnée, le support et/ou la substance même du Droit, en harmonie ou en rupture avec l’exigence de sécurité. Dans ce contexte, la technique de la datation, a priori garante de la sécurité en tant qu’elle sert à fixer les instants du Droit et à mesurer la durée des situations juridiques, porte en elle, selon les us et abus dont elle est susceptible d’être l’objet, le risque de créer des disruptions dans l’application du Droit. La référence ne joue alors plus le rôle qui lui a été assigné. L’étude de la date comme référence en Droit éclaire les paradoxes liés à cette notion. Les différentes conceptions des rapports du temps au Droit dessinent le champ référentiel de la date. Tantôt la date constitue un élément du présupposé de la règle de droit, tantôt elle est une donnée sans incidence sur l’effet prévu par la règle de droit. D’un point de vue fonctionnel, la date n’assume pas seulement cette fonction instrumentale mais peut remplir une fonction politique ou symbolique, contribuant à renforcer la force du Droit ou à reconstruire sa légitimité. Cependant, ce jeu des dates n’est pas sans risque. Les usages de la date créent un paradoxe. L’absence de date ou sa présence exerce une influence directe sur l’application du droit. Les abus et les détournements du procédé provoquent des phénomènes disruptifs: achronie ; polychronie et diachronie. À force de ces manipulations, la date perd sa qualité de référence et la référence sa signification en Droit, si bien qu’il faut se garder de considérer que la date serait un petit jeu sans conséquence.