Des fouilles anciennes dans la grotte de Bédeilhac pro-vient une série de 105 outils polis, pour la plupart en néphrites pyrénéennes travaillées sur place. D’après la céramique et le contexte stratigraphique de la fouille de Romain Robert, le contexte chronologique de cette indus-trie pourrait couvrir le Ve millénaire, comme le suggèrent des éléments céramiques associés qui sont typiques de l'Épicardial final et du groupe de Montbolo. Soixante-dix outils polis et fragments ont fait l’objet d’analyses spectroradiométriques, qui ont permis de déterminer des amphiboloschistes à actinote ma-joritaires, suivis des néphrites, des jades-néphrite, d’autres roches à amphibole et une faible proportion de roches diverses dont certaines permettent de dé-montrer quelques importations. Les sources de matières premières étaient vraisem-blablement en accès direct, mais elles n’étaient pas nécessairement abondantes ou d’accès aisé, car les haches polies ont été souvent réutilisées et recyclées jusqu’à exhaustion complète. Par ailleurs, la production est plutôt expéditive, avec des techniques simples de sciage ou de mise en forme par percussion posée sur enclume. Le polissage est en général assez peu déve-loppé et d’intensité limitée, pour produire rapidement des outils techniques efficaces, à moindre investisse-ment en temps de travail. Des petits tranchets sur éclat partiellement polis représentent – comme souvent chez les exploitants en accès direct aux matières premières – une classe typologique très abondante. Suivent les ha-ches, petites et moyennes, dont beaucoup proviennent du recyclage de grandes haches brisées à l’utilisation. L’instabilité des types d’outils polis permet également de souligner une économie de production d’outils par-fois expédients et toujours peu valorisés au plan social. Parmi les petites lames polies, les types triangulaires ou ovalaires semblent répondre à une norme relative, tandis que la forme des rares grandes haches conser-vées pourrait avoir été inspirée par certains types en jades alpins (Bégude, Altenstadt-Greenlaw, Puymirol). Deux longues barres sciées constituent des exceptions remarquables dans cette panoplie d’outils de travail du bois (et peut-être des peaux dans le cas des tranchets). Le sciage a été réalisé avec des plaquettes de grès de plus en plus minces pour approfondir par étapes de lar-ges rainures longitudinales à fond arrondi, ce qui n’est certainement pas la technique la plus rentable en ma-tière d’investissement en temps de travail. Le statut de ces deux longues ébauches « abandonnées » (l’une mesure 27,2 cm et l’autre 26,9 cm de longueur) est discuté, car ces objets exceptionnels ne répondent pas aux normes techniques et au contexte social qu’évo-que le reste de l’outillage. La proportion d’ébauches brisées par rapport au nom-bre total de l’outillage lourd montre qu’à Bédeilhac la production a indiscutablement été plus importante que les seuls besoins des groupes humains engagés dans le travail des néphrites pyrénéennes. Mais ce surplus, qui alimentait les réseaux de circulation des haches dans un rayon de 200 km au maximum, ne devait re-présenter qu’une part très limitée de ces transferts. Les analyses spectroradiométriques et les comparai-sons régionales montrent en effet que toutes les ma-tières premières que couvre le terme de « néphrites pyrénéennes » ne sont pas représentées à Bédeilhac, où la qualité des roches exploitées était assez médiocre, à l’exception des deux grandes barres sciées. Entre le massif de l’Agly à l’est et le massif de l’Arize à l’ouest, d’autres centres de travail des néphrites py-rénéennes doivent donc être recherchés pour rendre compte d’une production originale et abondante, mais réservée à des transferts à courte et moyenne dis-tance, sans comparaison avec les transferts des jades alpins qui ont couramment atteint 1 200 à 1 700 km à vol d’oiseau.