Une série d’albums parus en France depuis 2013 atteste la vitalité actuelle des loups de papier, une espèce qui peuple depuis longtemps le territoire des contes. En racontant, à leur manière, la rencontre de l’animal avec des enfants, les auteurs d’aujourd’hui révèlent combien leur imaginaire est hanté par le souvenir du « Petit Chaperon rouge ». L’article inscrit l’analyse de ces albums dans une comparaison avec la version de Charles Perrault pour répertorier les mutations de l’image de l’animal. Le « méchant loup » anthropophage du Grand Siècle, reflet d’une époque où le prédateur était l’ennemi de l’État, a cédé la place à des spécimens inoffensifs, voire timorés, et gentils en accord avec la réhabilitation d’une espèce désormais protégée. En héritiers de Perrault, les auteurs d’aujourd’hui se servent toujours du canidé comme d’un personnage théorique incarnant des enseignements mais les valeurs symbolisées par la bête se situent dans une perspective affranchie de la morale traditionnelle. Enfin, la rencontre au centre de l’histoire depuis le dix-septième siècle sert aujourd’hui à questionner les frontières entre l’humain et l’animal, le sauvage et le domestique.