L'histoire de l'art caribéen se constitue en archive traumatique qui se dévoile avec les progrès de l'anthropologie et de l'esthétique appliquées. Revenir sur les pas des premiers habitants, c'est d'abord interroger la dimension civilisationnelle et la portée symbolique des traces tangibles qu'ils ont laissé derrière eux. Mais c'est aussi s'efforcer de comprendre les raisons de leur propension au voyage, à l'échange et à l'ouverture aux autres cultures. Une telle démarche requiert une sensibilité d'un genre nouveau, permettant de comprendre le sens historicisé de la relation entre l'homme et son environnement, son territoire. C'est justement le propre de l'art, dans des territoires profondément marqués par la striation -- au sens où l'entend Michel Foucault -- de favoriser la déterritorialisation conceptuelle et la reterritorialisation symbolique des espaces de la représentation. Cela signifie, qu'une cartographie de l'art caribéen, doit nécessairement découler d'une topologie identiaire diasporique. Mais cela veut dire également que l'avenir de cet art est plus que jamais confronté à l'urgence de la décolonisation esthétique, et à la déprise de la globalisation. Nous nous employons dans cette conférence à montrer les enjeux et propositions paradigmatiques d'une esthétique caribéenne endogène s'appropriant l'espace du discours et de la Relation. Il s'agira en particulier de montrer, à l'aide de cartes, d'artefacts archéologiques et de créations contemporaines, que la connexion diasporique entre les communautés artistiques de la Caraïbe se développe grâce à une sorte de télépathie esthétique qui s'affranchit des frontières et des distances géophysiques et temporelles.