Certains types de violences ont été très peu étudiés dans les enquêtes sur les violences en France au point que le troisième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes demande la réalisation d’une enquête sur les seules violences au travail dans les trois fonctions publiques et le secteur privé. Cette forte demande des pouvoirs publics tient notamment au fait que les directives européennes sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes font du harcèlement sexuel au travail non seulement une violence mais aussi une discrimination et recommandent de mesurer leur ampleur. Généralement les violences et discriminations au travail liées au sexe sont abordées soit dans le cadre des enquêtes dont l’objet principal est le travail, soit dans le cadre d’enquêtes dont l’objet est la violence. Les études statistiques sur le travail se multiplient depuis les années 1970 avec depuis 1984 une intégration de la dimension psychique dans les enquêtes conditions de travail de la DARES (Direction de l'Animation, de la Recherche, des Études et des Statistiques) pour le Ministère du travail et la mise en avant des « risques psychosociaux ». Malgré tout, cette dernière notion ne comprend pas les violences interpersonnelles et les violences sexuelles. Ce constat pose la question de la définition de la violence au travail qui ne peut se limiter à l’organisation du travail lui-même ou au harcèlement moral. En effet, les violences entre personnes peuvent prendre des formes diverses (verbale, psychologique, physique, sexuelle) et les auteurs potentiels sont multiples (clients, usagers, collègues, subordonnés ou supérieurs hiérarchiques). Les études sur dont l’objet est la violence insiste aussi sur les socialisations différenciées des femmes et des hommes qui conduisent à un rapport à la violence et un usage de celle-ci différent en fonction du sexe. Le constat a ainsi été établi que l’usage de la violence est un fait socialement masculin plus que féminin et que les violences subies par les hommes d’une part et les femmes d’autre part ne sont pas identiques. C’est pourquoi, aussi bien dans la recherche que dans de nombreux textes émanant d’organismes internationaux, il est désormais question de « violences fondées sur les rapports de genre ». Ce constat n’empêche pas une définition lacunaire des violences en fonction du genre dans la sphère de travail. L’objectif de cette communication est donc de proposer une réflexion sur la définition et la mesure des faits de violence dans le monde du travail ainsi que l’incidence du genre sur celles-ci. Cette réflexion sera menée à travers la mise en avant du questionnement qu’a demandé le travail d’élaboration de l’enquête « Violences et rapports de genre : contextes et conséquences des violences subies par les femmes et par les hommes (VIRAGE »). Cette étude sera menée par l’INED sur 2014 et 2015 auprès de 35 000 répondant-e-s (17 500 femmes et 17 500 hommes), âgé-e-s de 20 à 64 ans. Elle vise à décrire les violences subies dans la complexité et la diversité de leurs formes. Son objectif est de dresser une typologie des violences qui permette de différencier les situations des victimes selon la nature, la fréquence, la gravité, le contexte et les conséquences des actes subis dans tous les domaines de vie. Nous présenterons la conception du module travail dans sa visée qualitative et quantitative.