S’appuyant sur l’enquête de 1961 de l’Institut Français d’Opinion Publique, le journaliste Jacques Duquesne, dans son ouvrage Les 16-24 ans. Ce qu’ils sont, ce qu’ils pensent édité en 1962, cerne les contours de la génération du baby-boom. Cette dernière, véritable classe sociale au cœur des Trente Glorieuses, est à la fois singulière par des pratiques et valeurs qui gomment les diversités sociales, que plurielle lorsque l’on s’attache à prendre la mesure des diversités qui la traversent. La pratique physique et sportive, si elle n’est pas immédiatement associée à cette culture des jeunes, y est partie prenante et recouvre également cette dualité. Sur ce point, J. Duquesne avance les conclusions suivantes : 36% des jeunes sont amateurs de spectacle sportif ; plus d’un tiers disent pratiquer un sport, notamment durant les vacances. Il constate également que seulement 14% font partie d’un organisme sportif. Notre analyse iconographique et textuelle de la presse magazine jeunesse (Bonjour les amis, Moins Vingt, Formidable, Rallye Jeunesse…), en fort développement depuis la segmentation de ce secteur et l’avènement des chanteurs « yé-yé » dans l’olympe juvénile, confirme ces tendances sur l’ensemble de la décennie soixante. Ces médias, malgré des premières de couverture très uniformes, masquent des représentations variées du loisir physique et sportif dans les contenus rédactionnels. Quantitativement, cette presse traite très différemment ce fait social, mais celui-ci est partie intégrante de cette culture des jeunes. Très inégalement distribuées dans l’ensemble des revues, les références au sport sont toutefois récurrentes. Qualitativement, le sport est rarement critiqué mais envisagé de façons très variables, renvoyant notamment à deux relations à la pratique sportive ; celle du loisir et du sport spectacle ou celle de l’élite et du sport de masse. Les magazines renvoient ainsi à la tension entre la distanciation et la pratique. Ces magazines, dans le double jeu d’influence qu’ils entretiennent avec leur lectorat, deviennent à la fois déclencheur de désirs « sportifs », que reflet des aspirations physiques et sportives des jeunes. A la différence de leurs ainés pour qui le sport constituait un épiphénomène, cette génération à travers sa presse spécifique intègre le corps, la pratique sportive, la mode sportwear et le dynamisme dans ses fondamentaux. Ces médias participent de l’acculturation à la pratique physique et sportive des baby-boomers, parallèlement aux cultures scolaire et fédérale, et construisent les références culturelles de la société française du dernier quart du XX° siècle. Nous montrerons, dans le cadre de la thématique « Médias, Arts et Littérature », que ces magazines sont des vecteurs d’éducations des masses différenciées en fonction des rôles sociaux envisagés pour une jeunesse plurielle.