La fin du vingtième siècle et le début du siècle suivant voient se développer de nombreuses intrigues construites autour d’une image fascinante et empruntant leur structure aux codes du roman policier : l’image y devient le motif ou le moyen d’un meurtre ou d’un piège sanglant qui se referme sur ceux qui la produisent ou la contemplent. Il est frappant de constater que la trame de telles fictions se situe souvent à la fin d’une époque, au moment de basculement d’un siècle à un autre ou d’une ère à une autre. On songe ainsi à Meurtre dans un jardin anglais (The Draughtsman’s contract, 1982) de Peter Greenaway, dont l’intrigue prend place en 1694 et s’élabore autour de questions d’héritage et de renouvellement des générations ; ou à celle des Onze (2009) de Pierre Michon, qui fait de la Révolution française et de sa représentation dans le tableau éponyme la charnière entre le siècle de la « douceur de vivre » de Tiepolo et la sombre époque de la Terreur, sous le signe des clairs-obscurs caravagesques. On pense aussi au Tableau du Maître flamand (La Tabla de Flandes, 1990) d’Arturo Pérez-Reverte, qui fait de l’exégèse dudit tableau le fondement de l’enquête policière qui sous-tend l’intrigue et le prétexte à un discours pessimiste sur l’Histoire et la perception d’une forme de décadence propre à l’époque contemporaine. On se proposera donc d’étudier la corrélation possible entre ces deux tendances des romans contemporains, l’une vers la mise en scène d’images destructrices, voire de leur destruction (les dessins du film de Greenaway finissent par brûler), l’autre vers l’invention de discours parallèles sur l’Histoire, qui remettent en cause un discours historique institutionnalisé par le travail fictionnel sur la notion de frontière temporelle ou d’époque historique.