Lorsque le biogéographe s’intéresse aux paysages actuels, il se pose la question du choix de l’échelle, spatiale mais aussi temporelle. « Question d’échelle : Temps et espace » est ainsi un sujet central dans l’approche méthodologique des paysages conduite par ce chercheur. Dans cette proposition, nous envisageons de confronter cette question aux paysages offerts par un territoire particulier, le Domaine National de Chambord – nous y avons mené des recherches dans le cadre d’un projet interrogeant le rôle des ongulés sauvages dans la formation des paysages, les écosystèmes et les services culturels rendus par ces derniers . La spécificité de ce site d’étude tient au fait qu’il s’agit d’un domaine emmuré – le plus vaste d’Europe. Comme son château, qui est internationalement reconnu, le domaine est chargé d’histoire ; y mener une analyse en vue d’identifier les évolutions spatio-temporelles de ses paysages s’impose d’autant plus pour mieux comprendre leurs caractéristiques actuelles. Mais quelles échelles spatiale(s) et temporelle(s) considérer ? Le projet dans lequel ces recherches ont été conduites dressait comme cadre temporel la période de 1950 à aujourd’hui et comme cadre spatial l’enceinte du parc. Plusieurs questions se sont toutefois bien vite posées pour l’analyse des paysages : peut-on se contenter du territoire délimité par les murs ? Ne faut-il pas le resituer aussi dans son environnement ? De la même manière, peut-on se contenter de la période récente, depuis 1950 ? N’a-t-on pas intérêt à questionner les dynamiques plus anciennes et à prendre ainsi davantage en compte le poids de l’histoire ? Nous avons pris le parti d’étendre spatialement et temporellement l’étude et de faire ainsi varier les échelles, entre le cadre et le contexte. Mais encore s’agissait-il de disposer de sources fiables et pertinentes pour connaître les paysages à des dates clés. Le Domaine national de Chambord est bien documenté ; les sources sont nombreuses. Comme l’objectif était d’identifier les dynamiques spatio-temporelles des paysages, nous avons décidé de nous focaliser sur les sources spatiales (cartes, plans, photographies aériennes et bases de données vectorielles), en vue de les confronter dans un SIG. Il ressort ainsi de notre étude que le Domaine National de Chambord n’a pas toujours été un vaste domaine forestier : de sa création au XVIe siècle jusqu’au XIXe siècle, il incluait, outre la forêt, des landes et des terres agricoles. Par ailleurs, bien qu’emmuré, il apparaît représentatif de l’environnement solognot dans lequel il s’inscrit : les similitudes sont grandes, autant dans les paysages actuels que dans les dynamiques récentes et anciennes. La variation des échelles temporelles et spatiales nous permet ainsi de mieux comprendre les paysages actuels et par là même les caractéristiques (sols, espèces végétales) des sylvosystèmes qui les composent, avec dès lors un intérêt pour les chercheurs des autres disciplines impliqués dans le projet.