Les Mémoires d'outre-tombe sont les Confessions de Rousseau révisées par Edgar Quinet : l'Histoire, et non plus le moi, y démêle ses énigmes. L'écrivain s'y représente sans jamais s'y dévoiler. L'écriture mémorialiste réduit le moi au silence et le transforme en une crypte où, non plus un secret intime, mais quelque grande vérité d'ordre providentialiste dort sous les chiffres du récit. Or, dans le livre de Venise, un des derniers livres des Mémoires, la crypte condamnée du moi paraît sur le point de s'ouvrir et de livrer des aveux imparfaitement transformés en chiffres allégoriques. Ces chapitres trop intimes succombent sous la censure : Chateaubriand en expurge la version définitive de son autobiographie. L'étude de leurs pages tardives, écrites et puis désécrites, offre un aperçu précieux sur l'opiniâtre ars tacendi dont les Mémoires d'outre-tombe, ces " Confessions mal faites " pétries de réticences, tirent leurs silences les plus riches.