Pour le pouvoir romain de l’époque impériale, la science est d’abord un plaisir, plaisir de savoir, plaisir du prestige ; elle est ensuite utile dans son exploitation. Auguste prit sûrement autant de plaisir à écouter Vitruve qu’à lire Horace ; nous connaissons la soif de science d’Hadrien et c’est paradoxalement ce qui dut être l’origine du conflit avec Apollodore ; si Commode fit l’acquisition d’hodomètres (compteurs de distance) retrouvés dans ses biens, ce ne fut probablement pas pour une utilité publique mais pour le prestige de circuler dans un véhicule possédant un appareil dont le fonctionnement faisait appel à un raisonnement mathématique utilisant les nombres irrationnels ; Valentinien Ier s’intéressait certes à la technique, aux machines de guerre en particulier, mais ce que lui proposa l’auteur du De rebus bellicis (s’il en est bien le destinataire...), ce n’est pas un livre sur la technique des machines car, dit-il, dans ce domaine, les barbares qui menacent l’Empire ont autant de savoir-faire que les Romains, c’est un livre d’inventions pour le pouvoir. Le rapport entre science et pouvoir sous l’Empire romain s’inscrit donc dans une complexité qui ne peut se réduire à quelques formules. Le point important est que les empereurs et leur administration s’intéressèrent bien à la science, à la science de leurs ingénieurs en particulier, et que ceux-ci pouvaient avoir une solide formation théorique. Dans certains cas la volonté de savoir fut certainement première, mais dans bien d’autres cas la soif de gloire, de prestige ou de domination fut le principal aiguillon.