Dans une perspective diachronique, le web participatif et notamment les blogs « féminins » offrent des terrains privilégiés pour observer ce que font les femmes lorsqu’elles s’expriment et s’adressent à d’autres femmes. Se placent-elles dans la continuité d’un style éditorial ouvert par la presse féminine ou au contraire rompent-elles avec les codes et les conceptions de genre du magazine féminin ? Voilà la question posée dans cet article. Des observations ont été menées, sur le magazine Marie-Claire (objet de recherche principal de ma thèse de doctorat) d’une part et sur un corpus de blogs féminins issus de la plate-forme Hellocoton, de l’autre. Les conclusions de cette étude montrent que lorsque les femmes prennent une parole qu’elles qualifient de féminine, elles le font sur des sujets très proches de ce qui leur est proposé par les magazines féminins montrant la cohérence de ces propositions. Cependant, elles se détachent de la conception globale du féminin qui laisse à penser que chacune a les mêmes attentes et les mêmes intérêts. En s’emparant du blogging, elles se réapproprient des fonctions jusqu’ici et depuis près d’un siècle assumées par les industries culturelles, notamment dans la transmission de savoirs concrets liés au genre. Le caractère injonctif des magazines laisse place à des récits individualisés et à des partages d’expériences dans lesquels les lectrices peuvent trouver l’information dont elles ont besoin sans recevoir de conseils. La confiance qui était déjà cultivée de manière rhétorique dans les magazines trouve une réalité dans les blogs où des communautés se forment et des liens se nouent. L’appropriation de la parole passe par la fabrication et la diffusion d’images « autoproduites » qui individualisent les échanges tout en affirmant une volonté de se reconnaître dans les modèles visuels diffusés. Comme les manuels d’instructions ou les magazines féminins, les blogs répondent à une fonction sociale de transmission du genre.