La question de la responsabilité de la puissance publique face à l'Histoire est assurément sensible, et à la confluence de plusieurs disciplines : le droit, l'histoire, mais aussi la philosophie. Elle fait appel à des mécanismes variés, que le juriste ne maîtrise pas nécessairement ni entièrement, et qu'il ne peut d'ailleurs maîtriser. Néanmoins, si les rapports entre l'Histoire et la Justice ont été abondamment étudiés, surtout par les historiens, il est envisageable que les juristes, ou en tout cas les juges, viennent « au secours de l'historien » bien que, comme le souligne B. Edelman, il ne leur revient pas de se prononcer sur l'histoire, puisque le risque serait alors de cautionner une « histoire officielle », ou d'établir une vérité historique. Cependant, il est possible de s'interroger sur les conséquences dommageables que certains faits devenus historiques ont pu causer, et de savoir comment les victimes peuvent, ou non, en obtenir réparation. La difficulté est alors que réparer l'histoire implique nécessairement d'en déterminer une, selon laquelle la personne publique est responsable de certains actes. Tout mécanisme de réparation implique a priori un fait générateur, un préjudice subi par une victime, et un lien de causalité. Mais si les préjudices liés à l'histoire et les victimes sont souvent facilement identifiables, il n'en est pas toujours de même pour la personne responsable. Aussi, s'il est délicat de « juger l'histoire » , il peut sembler difficile d'indemniser en raison de l'histoire. En effet, cette question se trouve dans les tréfonds de la responsabilité, puisque longtemps a prévalu un principe d'irresponsabilité de la puissance publique.