Quelques réflexions comparatives sur les doctrines pénales française et allemande au XIX e siècle Dans son Traité de droit pénal allemand, Franz Liszt écrivait, au début du XX e siècle, que « la jurisprudence française doit sa grande clarté à cette longue période de repos [celle qui a suivi la réforme de 1832, marquée selon Liszt par le maintien de l'armature du Code pénal napoléonien] ; mais c'est aussi en elle qu'il faut chercher le motif de l'engourdissement de la doctrine pénale française qui, depuis des générations, manque de toute initiative témoignant de quelque force » 1. On peut juger partiale et inamicale cette évaluation de la « doctrine pénale française » par un grand criminaliste allemand qui entretenait (à travers l'Union internationale de droit pénal qu'il avait fondée en 1889 avec Van Hamel et Prins) des relations avec ses collègues français (René Garraud et Maurice Garçon notamment) et dont le traité fut traduit en français en 1911 dans la collection dirigée par Lévy-Ullmann et Lerebours-Pigeonnière. Nous proposons ici, dans le prolongement d'une recherche précédente sur « l'originalité de la doctrine pénaliste française » 2 , de prendre au sérieux ce jugement extérieur et de nous demander quels seraient les trais marquants d'une différenciation entre doctrine pénale française et doctrine pénale allemande au XIX e siècle. En supposant que certains facteurs, de l'état de la législation pénale aux habitus des auteurs d'ouvrages sur le droit pénal en passant par l'organisation de l'enseignement, le rôle des juges et des avocats ou la présence de médias spécialisés, ont contribué, dans les champs juridiques français et allemand du XIX e siècle, à la formation (ou à la croyance dans cette formation, dont témoigne Franz Liszt en parlant globalement d'une « doctrine pénale française ») d'une entité doctrinale relative au droit pénal et de dimension nationale (par opposition à l'idée que la doctrine ne serait qu'une collection artificielle et hétérogène d'opinions successives des auteurs), il nous paraît possible d'envisager des traits communs qui identifient et distinguent la doctrine pénale des deux côtés du Rhin : d'une part des caractéristiques tenant à la structuration du champ législatif et universitaire