Cette publication d’une cinquantaine de pages est issue d’une conférence donnée en 1998 devant les membres du Groupe de Recherches et d’ Etudes sur les Conduites Ordaliques (G.R.E.C.O). La publication présente une analyse linguistique menée dans le cadre d’une thèse de doctorat (Carcassonne, 1997) de certains des entretiens recueillis par des chercheurs psychiatres et/ou psychanalystes auprès de personnes présentant des conduites ordaliques. Dans cette présentation, le choix a été fait de montrer concrètement le mode d’analyse adopté à partir d’un grand nombre d’extraits de trois entretiens, et non de présenter ou discuter les théories sur lesquelles s’appuient ces analyses : la façon d’interpréter des entretiens du point de vue de l’analyse des interactions verbales et de l’énonciation (sous-champs de le discipline « sciences du langage ») est ainsi montrée à partir de deux types d’analyse : 1) tout d’abord une analyse « locale » (de chaque début d’entretien) (1.1) des différents éléments « reliés » ou « déplacés » entre les prises de parole ou au sein de chaque prise de parole (ces éléments peuvent être les catégories, les thèmes, les genres (en tant que types de discours descriptifs, explicatifs, narratifs), etc. ; (1.2) une analyse locale des caractéristiques énonciatives (en tant que « façons de parler ») des informateurs. Puis est présentée (2) une analyse « globale » de chaque entretien dans son ensemble, en tant que « récit de vie ». Cette présentation précise d’abord (2.1) la façon dont s’articulent la narration et l’explication dans les différents entretiens, puis (2.2) la façon dont émergent des temporalités différentes. In fine, l’analyse permet de mettre en évidence le fait suivant : chaque entretien peut être vu comme un "tissu discursif" dont les fils ne peuvent être démêlés qu'au risque de perdre ce qui justement caractérise l'ensemble créé par l'intrication de ces fils : c’est cette intrication qui, en tant que façon de parler manifeste pour une part le "soi narratif" des informateurs. Ce dernier n'apparaît donc pas comme une entité pré-établie et ne se localise pas en un point du texte mais se dessine (i) dans la façon d’enchaîner sur les propos de l’autre ou sur les siens (types de continuités ou de déplacements), (ii) dans la façon de (se) dire en actualisant (ou non) certaines marques énonciatives, (iii) dans la façon de proposer des explications et justifications de ses conduites en faisant des liens entre les discours de soi, sur soi, des autres et sur les autres, (iv) dans la façon de mettre en mots la temporalité en la teintant d’affects différents.