Un grand nombre d'études a été consacré à l'analyse des dysprosodies dans les pathologies neurologiques. De la masse importante de ces travaux, les résultats sont souvent contradictoires et restent aujourd'hui difficiles à interpréter. Tout d'abord, le manque de consensus pourrait s'expliquer par la définition même donnée à la prosodie et les éléments qui la composent et donc, par là, à la dysprosodie neurologique. Les évaluations, qu'elles soient perceptives ou acoustiques, et les mesures effectuées des traits prosodiques reposant sur des définitions différentes et des critères plus ou moins établis, font qu'il est difficile aujourd'hui d'établir avec précision les indices prosodiques « déviants » d'une pathologie neurologique. Par ailleurs, mis à part quelques rares études (e.g. Jankowski et al, 2004), la plupart sont très souvent établies à partir de populations restreintes (une dizaine voire une vingtaine de sujets) ce qui pose la question de la généralisation des données, d'autant plus que de nombreux facteurs (extra-linguistiques et para-linguistiques) viennent s'ajouter aux troubles neurologiques, expliquant ainsi la variabilité constatée. La difficulté d'une étude de la dysprosodie dans les pathologies neurologiques repose aussi sur le fait que les populations choisies dans ces études s'avèrent être parfois très différentes (e.g. Parkinson; Huntington; SLA) et souvent peu documentées pour pouvoir les comparer. Si dans ces études, les auteurs s'efforcent à renseigner et à apparier les populations en termes d'âge ou sexe, peu ou pas d'attention n'est portée à l'origine géographique ou encore au statut socioprofessionnel, bien que de nombreuses études ont pu démontrer leur influence sur la prosodie de la parole (Byrd et al 1992). De même, les populations divergent en termes d'avancement ou de sévérité de la maladie, de traitement médical, critères parfois établis selon des protocoles cliniques différents. De nombreuses études ont montré que le style de parole pratiqué, selon s'il est préparé ou spontané, formel ou informel, monologal ou dialogal, peut être caractérisé par des patrons prosodiques différents (Ayers, 1994). Or, dans l'étude de la dysprosodie, les consignes demandées aux sujets varient : lecture de phrase (Blonder et al, 1989), de texte (Jankowski et al, 2004) ou encore parole spontanée (Van Lanker Sidtis et al, 2004). De plus, parce que la prosodie exerce des fonctions diverses (i.e. linguistiques et para-linguistiques), la tâche demandée et ainsi les fonctions qu'elle requiert, peuvent entacher les conclusions tirées de la dysprosodie chez un patient atteint d'une maladie neurologique. Nous proposons donc dans ce travail, partie du projet ANR DesPho-APaDy, (1) une définition élargie de la prosodie, notamment par l'abord de ses fonctions, afin de déterminer plus précisément les protocoles expérimentaux qui peuvent être établis pour une étude de la dysprosodie dans les pathologies neurologiques (2) une comparaison des études menées sur la dysprosodie dans les pathologies neurologiques en prenant compte des différences intrinsèques de chaque étude, (3) une proposition de mesures prosodiques qui peuvent être effectuées en s'assurant de leur fiabilité et une présentation d'outils automatiques disponibles pour l'analyse prosodique si l'on souhaite traiter un grand nombre de données (e.g. Hirst, 2007 ; De Looze, 2010).