La loi de modernisation du système de santé français récemment adoptée consacre le fait que la lutte contre la sédentarité renvoie à des réalités sociales qui sont significatives de sa portée politique. Cette lutte désignant à la fois un combat individuel et collectif, les programmes de santé publique promus en France comme, dans d’autres pays, cherchent à influer sur les déterminants de santé aussi bien individuels que sociaux et environnementaux. Faisant suite à une série de campagnes d’éducation à la santé reposant largement sur l’injonction « Bouger ! », le récent plan national « Sport, Santé, Bien-Etre » (PSSBE) figure au titre des technologies de gouvernement utilisées par l’État français pour cadrer les comportements d’acteurs intermédiaires agissant au plus près des populations afin qu’ils participent à la régulation de l’accès de tous à la pratique sportive à des fins préventive et curative. Inscrit ainsi dans un rapport de pouvoir entre gouvernants et gouvernés, le PSSBE se prête bien à une analyse en terme d’instrumentation trouvant sa source dans les travaux de Michel Foucault. Celle-ci vise à étudier les problèmes posés par le choix et l’usage des outils qui permettent de matérialiser et d’opérationnaliser l’action gouvernementale. Ces dynamiques étant en grande partie déterminées par la culture professionnelle, les ressources, les contraintes organisationnelles ou encore les contextes d’action, il est question d’examiner les usages bureaucratiques qui en sont faits par les agents des services territoriaux du ministère des sports et de celui de la santé chargés de décliner le PSSBE en région. Réciproquement, il s’agit aussi d’apprécier les effets de cet instrument sur leurs pratiques et relations de travail. L’étude faite ici au moyen d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de ces agents publics en activité au sein de la région Nouvelle Aquitaine s’inscrit dans la continuité des recherches qui soulignent l’importance des dynamiques d’appropriation ou de contournement des dispositifs par les acteurs intermédiaires tout au long de la ligne hiérarchique et ce, jusqu’aux agents de base, les street level bureaucrats (Lipsky, 1980). Les metteurs en œuvre disposent en effet de la capacité de réinterpréter voire de réorienter le sens initial des programmes d’action publique, ces usages (adhésion, résistances, blocages, etc.) représentant autant d’espaces d’action ouverts par l’introduction de modes de régulation prévus. S’intéresser aux modalités de mise en œuvre de ce plan consiste à saisir les actions à travers lesquelles l’État « travaille » les enjeux de santé publique et les relations de pouvoir qu’il est susceptible d’induire. Les résultats montrent que cette mise en œuvre est exposée à des résistances à la fois cognitives et organisationnelles qui n’annihilent pas pour autant toute possibilité de changement voire d’innovation car ce plan suscite aussi des dynamiques d’apprentissage et des ruptures de routines professionnelles.