Les machines font partie de la vie quotidienne de l'Antiquité, même si elles y occupent une place moins importante qu'aujourd'hui, mais, à la différence de l'architecture de pierre ou de la céramique par exemple, elles n'ont laissé que peu de traces puisqu'elles étaient très majoritairement construites en bois. Leurs pièces métalliques, quand elles ont été retrouvées et conservées, restent difficiles d'interprétation une fois isolées de leur contexte. Les rares vestiges de la mécanique ancienne sont à examiner avec d'autant plus de soin qu'ils ont souffert dans les siècles passés, comme les autres domaines techniques, d'un moindre intérêt de la part des chercheurs (philologues ou archéologues) que les domaines artistiques. Ils sont de deux ordres : traces matérielles et traces littéraires. Les traces matérielles elles-mêmes sont, au premier degré, les restes des machines proprement dits (peu nombreux, nous l'avons dit), au second degré, les traces de ces machines, qu'il s'agisse de leur empreinte dans une construction par exemple ou, à un autre niveau, de leurs représentations iconographiques, en peinture ou en sculpture. Les traces littéraires sont aussi rares que les traces matérielles : au premier degré nous avons les textes techniques décrivant les machines, au second degré des mentions éparses dans la littérature. Tous ces témoignages ont leur propre valeur et ne doivent pas être réduits les uns aux autres : l'interprétation d'un objet retrouvé ne doit pas être "forcée" pour le faire concorder avec un texte et un texte ne peut être déclaré invalide parce qu'il n'est pas conforté par une trace matérielle. Cet article est consacré à une trace littéraire de premier degré : le texte de Vitruve sur les machines, un des rares textes latins dans ce domaine. Les interprétations textuelles et iconographiques sont exclusivement issues du texte de Vitruve ; elles ont été élaborées après une confrontation avec les témoignages matériels et les autres témoignages littéraires pour mieux comprendre, mais aucune réduction n'a été effectuée. Après une rapide discussion sur l'auteur et la validité de son témoignage, nous passons en revue, dessins à l'appui, les principales machines qu'il décrit dans le domaine de l'ingénierie civile (soulèvement des charges, pompage de l'eau, mesure des distances...), dans le domaine artistique (l'orgue hydraulique) et enfin dans le domaine militaire (artillerie et engins de siège).